Parution : Les Ailleurs imaginaires, Québec, Nuit blanche éditeur, 1993, p. 233-242.
Patricia Willemin propose de revisiter la figure du monstre dans la littérature sous l’angle du masque, du carnavalesque et du grotesque populaire. Inspirée par les travaux de Bakhtine, elle met en lumière les diverses caractéristiques du monstrueux tel qu’il apparaît chez H. P. Lovecraft, Jean Ray, Mary Shelley, Michel Ghelderode, Matthew Gregory Lewis, Esther Rochon et quelques autres. Ainsi, « le monstre est souvent celui qui gomme les frontières vie/mort ». Quelle que soit l’hybridation dont il est le fruit (animal/végétal, animal/humain), il « recèle toujours une composante anthropomorphe ». Le tératogène est à la fois la représentation théâtralisée de l’autre et de soi. « Le monstre est notre portrait », dit Kappler.
Patricia Willemin expose ensuite les procédés rhétoriques à l’œuvre dans les textes fantastiques. Aux topoï presque rituels (végétation menaçante, cercles, labyrinthes, univers cyclopéens, trou dans l’espace-temps du réel) s’ajoute « le spectaculaire du dire qui joue sur l’hyperbolique, les oxymorons dysphorisants ». Longtemps après l’Orient, l’Occident découvrira avec le Frankenstein de Mary Shelley que « le monstre ne recèle pas forcément le mal, l’agressivité, l’inhumain dans son essence ». Dans Coquillage, Esther Rochon développe à l’extrême limite cette idée et abolit les tabous en mettant en scène un monstre (le nautile) qui représente pour Thrassl, l’homme, l’image de l’amour, de la beauté et de la force. Les caractéristiques négatives et anxiogènes associées au grotesque romantique sont alors inversées.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 234-235.