Parution : Les Ailleurs imaginaires, Québec, Nuit blanche éditeur, 1993, p. 179-194.
S’étonnant du peu de représentations du train dans l’imaginaire des écrivains québécois alors que la création du Canada lui est grandement redevable, Gilles Pellerin rassemble néanmoins un corpus narratif significatif constitué de nouvelles fantastiques – et parfois aussi, il faut le dire, réalistes – écrites par des écrivains actifs après 1960. Le motif du train présente une grande richesse mythographique, ce qu’il s’emploie à illustrer en adoptant un style très personnel pour évoquer les nouvelles des auteurs suivants : André Berthiaume, dont la nouvelle « La Malbaie » sert de pivot à son étude, Claudette Charbonneau-Tissot, Daniel Sernine, Esther Rochon, Jean-Paul Beaumier, Bertrand Bergeron, Annick Perrot-Bishop, Carmen Marois, Marc Sévigny et quelques autres.
Lui-même praticien du récit fantastique, Gilles Pellerin montre, exemples à l’appui, comment le train (ou le voyage en train) affecte le temps de différentes façons : en le figeant dans un éternel présent, en le dilatant à l’infini, en le déphasant, en le forçant à un perpétuel recommencement. Sa dimension fantastique est en outre alimentée par sa capacité à représenter simultanément divers états de lieu : un lieu clos, un lieu gigogne, un lieu paré d’ouvertures et un vecteur en marche. Le train symbolise ainsi le lieu d’un rite intime de passage et de la quête de soi (Charbonneau-Tissot), le salut (Marois), la liberté (Bergeron), la voie de la connaissance et du contentement (Rochon), l’incommunicabilité (Berthiaume), la structure sociale (Sévigny).
Si le train a pour fonction première de favoriser les déplacements, il est aussi un puissant inducteur de rêveries et de torpeur, susceptible de subvertir la notion de temps et d’espace : rien d’étonnant à ce qu’il conduise « volontiers dans la dimension fantastique ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 228.