Sébastien Roldan

Parution : Le Roman des possibles : l'anticipation dans l'espace médiatique francophone (1860-1940), sous la direction de Claire Barel-Moisan et Jean-François Chassay, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. Cavales, 2019, p. 173-191.

Il est courant d’opposer le roman d’anticipation au roman réaliste ou naturaliste de la seconde moitié du XIXe siècle en France. L’un sert plutôt de contre-modèle à l’autre, et vice-versa. Néanmoins, de par son scientisme, le naturalisme n’est pas sans affinités avec l’anticipation, même s’il représente l’une des tentatives les plus systématiques d’éradication de l’imagination en littérature. On citera, par exemple, la vocation vulgarisatrice de cette veine de romans : bien documentés, les romans naturalistes, à l’instar des romans d’anticipation, mettent à la portée du plus grand nombre les dernières avancées de la science.

Cela étant, il reste difficile d’imaginer un récit qui jouerait sur les deux tableaux en même temps. Comment anticiper sur la science sans récuser ouvertement l’ambition naturaliste de dépeindre le monde réel tel quel ? « L’Autopsie du Dr Z*** », nouvelle publiée en 1884 par le jeune romancier naturaliste Édouard Rod, semble réussir ce tour de force. Parue à l’apogée du naturalisme en France, cette œuvre de Rod se présente comme un sérieux essai d’exploration des limites de l’existence humaine par la littérature. Notre tâche consiste à montrer comment. [SRo]