Maryse Grandbois, René Laperrière et Claude Thomasset
Parution : Orwell a-t-il vu juste ?, Sillery, Presses de l'Université du Québec, 1986, p. 169-200.
Au départ, les auteurs reconnaissent qu’un « […] système juridique n’existe pas en soi, mais dépend du type de société à laquelle il appartient ». Ils se proposent d’étudier la conception du droit qui se dégage du roman d’Orwell en retenant les trois catégories suivantes : le droit criminel, le droit civil et le droit administratif. Le droit civil (mariage et famille) a une place très limitée dans 1984, de sorte que les auteurs s’attardent plutôt aux deux autres qui jouent un « […] rôle essentiel dans le processus de répression et de conditionnement des membres du Parti extérieur ».
Le système juridique de 1984 se distingue d’abord par l’absence de code criminel définissant la nature des crimes mais non par l’absence de sanctions ! Les deux crimes principaux, le crime par la pensée et le facecrime, peuvent signifier la mort pour le contrevenant. Ce même système se caractérise aussi par une prédominance du droit criminel qui constitue la « […] sanction du non-respect des règles de comportement édictées par le Parti », règles qu’on peut désigner comme droit administratif. Après avoir noté que la société océanienne est divisée en trois classes hiérarchisées (les prolétaires, les membres du Parti extérieur et ceux du Parti intérieur), les auteurs constatent que les règles viennent directement du sommet sans que la base participe à leur élaboration, ce qui traduit une conception totalitaire du pouvoir.
Par la suite, ils analysent longuement et de façon très critique les formes juridiques que l’administration publique québécoise s’est données pour exercer son pouvoir : lois, règlements, directives, etc. Ils font ressortir les similitudes entre le langage juridique et le novlangue, tant au niveau de leurs objectifs (imposition de modèles de comportement ou de pensée, dichotomie du bien et du mal) qu’à celui de leurs techniques linguistiques (hermétisme du jargon, réduction du sens). Les auteurs dénoncent enfin la présence tentaculaire de l’État dans toutes les sphères de la société et la panoplie d’outils juridiques dont il dispose. Ils estiment que sont ainsi réunies les conditions favorables à l’avènement de la société orwellienne.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 160-161.