Parution : U•Topos et les tiroirs de l'utopie, Matane, Galerie d'Art de Matane, 1987, p. 37-49.
L’auteure présente d’abord trois formes idéales de perfection sociale : le mythe, le millénarisme et l’utopie. Elle en fait ressortir les points communs et les différences. Celles-ci se situent sur le plan du mode de création de ces conditions idéales dans le temps et l’espace. « Le mythe situe le temps idéal de la société dans un temps et un espace inaccessibles au profane », qu’on ne peut atteindre qu’à l’occasion au moyen de rites ou de techniques spirituelles. La pensée millénariste, fondée sur un ensemble de comportements religieux et sur certaines orientations sociopolitiques, conçoit l’accession à l’état social idéal en ce monde et dans un futur plus ou moins lointain. L’utopie ne se distingue pas du millénarisme au niveau de la spatio-temporalité mais elle possède la caractéristique de faire dépendre la réalisation de l’État rêvé exclusivement sur la raison, c’est-à-dire la science.
Par-delà les différences, Diane Pacom insiste surtout sur un point commun propre à ces trois conceptions d’idéalité : l’élément utopique, qu’elle s’emploie à distinguer de l’utopie. L’élément utopique, véritable noyau transhistorique, représente la « volonté d’imaginer un réel plus significatif que celui qui est » tandis que l’Utopie est « la forme d’espérance par laquelle s’institue la société industrielle », le mythe et le millénarisme jouant respectivement le même rôle dans les sociétés archaïques et religieuses.
Dans un deuxième temps, Diane Pacom se penche sur la science pour examiner le mode selon lequel se présente l’élément utopique dans les sociétés modernes. Elle rappelle que « l’imaginaire de nos sociétés se focalise sur l’idée du progrès, au sein de laquelle se distinguent deux notions majeures : celle de futur, celle de raison » et conséquemment, fait reposer l’avènement de ce demain idéal sur les seules potentialités humaines.
Établissant une distinction entre la science (« discours de la modernité ») et la technique (« praxis de l’Institution sociale rationaliste » et « concret observable »), elle affirme que la science moderne, comme le mythe par ses rites, cherche à épuiser le « fantasme essentiellement contestataire de la réalité établie en devenant elle-même ce fantasme ». Elle y voit là un réel danger de stagnance et d’étouffement tout en étant persuadée que l’utopicité de l’être humain ne peut être aliénable, qu’il existe « au cœur de l’individualité humaine la possibilité […] d’investir le réel d’un autre sens que celui qui lui est attribué par l’Institution ». Elle en veut pour preuve le mouvement contre-culturel des années 1960 dont elle fait le bilan en analysant l’origine, l’évolution et les causes de l’échec de cette manifestation de la « dynamique par laquelle il y a surgissement incessant de l’altérité au sein du Donné ».
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 210.