Guy Bouchard

Parution : Visions d'autres mondes, Ottawa, RD/Bibliothèque nationale du Canada, 1995, p. 206-214.
Traduction : The Female Utopia in Canada, dans Out of this world, Kingston/Ottawa, Quarry Press/National Library of Canada, 1995, p. 188-195.

Philosophe de formation, Guy Bouchard s’intéresse depuis longtemps au féminisme et à l’utopie. De celle-ci, il affirme, pour faire taire ceux qui la regardent de haut : « L’utopie est fille du rêve, mais le rêve fait également partie de la réalité : à titre de distorsion ou d’évasion, mais parfois aussi à titre de ferment novateur. » Le théoricien conjugue dans le présent article ses deux centres d’intérêt. Rappelant que la pensée hétéropolitique se préoccupe de ce que pourrait être la société, il distingue le discours théorique (la para-utopie) de celui qui emprunte la voie de la fiction (l’utopie). Dans les œuvres de fiction, l’idéalisation peut être positive (eutopie) ou négative (dystopie).

Guy Bouchard estime qu’au cours du XXsiècle, l’utopie a subi une double mutation. Durant les 50 premières années, elle est devenue résolument dystopique après avoir été très majoritairement eutopique et masculine. Au cours de la période 1960-1990, sous l’influence de romancières féministes, l’utopie est revenue en force, « mais métamorphosée par des valeurs nouvelles, incompatibles avec la société patriarcale ». L’essayiste analyse le modèle de société vers lequel tendent cinq utopies canadiennes écrites par des femmes : L’Euguélionne de Louky Bersianik, Le Silence de la cité et Chroniques du Pays des Mères d’Élisabeth Vonarburg, La Servante écarlate de Margaret Atwood et L’Espace du diamant d’Esther Rochon. Dans tous les cas, avec des nuances qui tiennent compte de l’instabilité des modèles et de la volonté des auteures d’explorer deux ou trois solutions avant d’arrêter leur choix, ces utopies partagent les mêmes valeurs qui convergent vers une société androgyne eutopique.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1995, Alire, p. 208.