Parution : U•Topos et les tiroirs de l'utopie, Matane, Galerie d'Art de Matane, 1987, p. 52-59.
Serge Proulx rappelle que les grandes inventions techniques sont toujours accompagnées de « discours sociaux, complémentaires ou contradictoires, qui cherchent à investir ces inventions d’usages sociaux spécifiques ». L’auteur identifie quatre grandes phases d’innovation technique : la machine à vapeur vers la fin du XVIIIe siècle, l’électricité à la fin du XIXe siècle, les nouveaux moyens électroniques de communication et de diffusion de l’information (naissance de la culture de masse) au cours des décennies 1930 et 1940 et, enfin, la micro-électronique depuis les années 1970. Cette dernière révolution a suscité un ensemble de discours utopiques et idéologiques recouverts par l’expression computopie (contraction de computer et utopie).
Proulx explique ensuite comment ces changements techniques constituent, pour une société, la seule solution à un état de crise, laquelle peut être interprétée différemment selon qu’on privilégie la théorie économique libérale (interprétation conjoncturelle), la pensée marxiste (interprétation structurelle) ou l’analyse paradigmatique voulant que ce soient les valeurs et les idéaux de la société industrielle qui s’écroulent. L’auteur s’interroge aussi sur l’attitude à prendre devant l’actuelle mutation socio-technique qui présente une dimension de nature civilisationnelle. Il relève cinq attitudes possibles : a) l’indifférence ; b) la résistance active ; c) le refus exprimé par la stratégie de la critique dystopique ; d) l’euphorisme utopique ; e) l’ouverture critique. Proulx préconise cette dernière qui se situe à mi-chemin entre le rejet et l’acceptation inconditionnelle de la technologie. Tout en étant essentiellement positive parce qu’elle accepte l’idée du principe espérance, elle vise à s’assurer qu’il y a « une intégration signifiante et créatrice de ces nouveaux objets techniques dans notre vie quotidienne ».
En conclusion, l’auteur ne cache pas que l’utopie néo-technicienne recèle une part de duplicité en véhiculant une idéologie de l’adaptation. Mais il croit que les potentialités télématiques qu’elle offre sont suffisamment révolutionnaires pour favoriser l’apparition de nouvelles valeurs et de nouveaux modèles culturels.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 211.