Parution : Europe 681/682, Paris, 1986, p. 12-18.
Dans cette étude, Jean-Marc Gouanvic cherche à expliquer pourquoi des auteurs comme Rosny aîné, Jules Verne, H.G. Wells et Maurice Renard n’ont pu imposer la SF en France au début du XXe siècle alors que les conditions semblaient réunies pour amorcer un mouvement comparable à celui dont Hugo Gernsback fut l’instigateur aux États-Unis dans les années vingt.
Gouanvic fait d’abord ressortir que l’œuvre de Verne, par les garanties morales et esthétiques qu’elle offrait, a vite été associée à la littérature pour la jeunesse. En outre, cette œuvre ne préfigure pas la SF moderne puisque l’auteur est incapable de s’intéresser à l’altérité et qu’il tourne en rond dans un univers clos. L’essayiste fait ensuite valoir la modernité de l’œuvre de Rosny aîné, qui prend le contre-pied de celle de Verne. Elle est « marquée par les figures de l’extériorité et de la rupture » et entretient une parenté étroite avec celle de Wells en raison de l’idéologie socio-darwinienne sur laquelle elles se fondent. Mais Rosny ne réussit pas à s’imposer tandis que le succès de Wells, traduit en français, fut de courte durée.
Renard, pressenti comme un digne successeur, ne parvient pas à soutenir l’intérêt suscité par l’auteur anglais dont le roman scientifique avait été perçu, en raison de ses thèmes nouveaux, comme un tonique tout indiqué pour le roman français essoufflé. On reprochait à Renard de délaisser la psychologie des personnages. Gouanvic conclut que les conjectures rationnelles continueront de se manifester en France dans un état de complète dispersion jusqu’à ce que la SF américaine opère un regroupement dans les années cinquante.
Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 159-160.