Jeanne Demers et Michelle Desjarlais-Konstantinov
Parution : Voix et Images, vol. II, n˚ 1, Montréal, 1976, p. 110-118.
Cette étude, qui a fait l’objet d’une communication au congrès de l’ACFAS en 1976, présente les résultats préliminaires d’une vaste recherche entreprise par Jeanne Demers et Lise Gauvin sur le conte écrit québécois. Pour en arriver à définir ce dernier, il est indispensable, estiment Demers et sa collègue Michelle Desjarlais-Konstantinov, de comprendre les mécanismes des genres voisins, dont le récit court de type exemplum. Il s’agit de textes qui servent d’exemples, de textes dans lesquels le scripteur éprouve « comme un besoin pédagogique d’étayer concrètement une argumentation serrée ». Les auteures se limitent ici à un seul thème : la tempérance/intempérance. Elles illustrent leurs propos en puisant dans les ouvrages écrits par des abbés qui ont combattu l’ivrognerie : Charles Chiniquy, Alexis Mailloux, Charles Larocque.
Le récit court de type exemplum diffère du conte et de la nouvelle sous plusieurs points. Le projet n’est évidemment pas le même. « Dans l’exemplum, le récit doit impressionner, frapper les imaginations », tandis que le conte vise d’abord à plaire (le plaisir de la lecture). De plus, si le proverbe (« L’ivrognerie rend l’homme semblable à la bête et souvent le fait mourir ») fonde l’histoire dans l’exemplum, il ne fait que coïncider avec elle dans le conte. Autre différence : la morale, explicite, se trouve « récupérée » par les qualités stylistiques du conte, contrairement à ce qui se passe dans l’exemplum. Enfin, le conte affirme son autonomie, c’est-à-dire qu’il peut exister, sans mutilation, indépendamment de son contexte immédiat, ce qui n’est pas le cas de l’exemple. Mais la distinction n’est pas toujours facile à faire et les deux essayistes en veulent pour preuve le texte de Joseph-Ferdinand Morissette, « L’Enfant perdu », qui constitue un cas frontière.
Source : Janelle, Claude, Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 227-228.