Parution : Études littéraires, vol. 7, n˚ 1, Québec, 1974, p. 109-125.
Monique Benoît dissèque un conte de Lovecraft intitulé « À la recherche de Kadath ». Ce conte, estime-t-elle, occupe une place à part dans l’œuvre lovecraftienne car le fantastique y cède le pas au merveilleux. Le récit est constitué d’un rêve que fait le héros-narrateur Randolph Carter, un « sage archi-rêveur ». Chez Lovecraft, le rêve est perçu comme un « élément nécessaire de compensation du réel non accepté » et est un « moyen de connaissance d’un temps mythique » qui permet de remonter vers l’origine, en l’occurrence de réintégrer le sein maternel. Cet ultime effort de régression reproduit la trajectoire de la vie de Lovecraft d’abord attiré par les sciences, puis cédant peu à peu à la fascination du retour vers l’enfance.
L’essayiste décortique les différentes étapes de la quête onirique de Carter à la recherche de la merveilleuse cité du soleil couchant qu’est Kadath et elle en expose la symbolique. La cité, travestie en ville-jardin paradisiaque, représente la mère tandis que « la contrainte des dieux tyranniques » qui fait obstacle à son épopée onirique représente la figure paternelle. L’odyssée de Carter marquée de multiples péripéties a pour objectif final la reconquête de la cité, « c’est-à-dire qu’il est invité à en chasser le père et à posséder la mère ». Or cette cité de Kadath se révèle être sortie de l’imagination de Carter à la suite de l’accumulation des petites rêveries de son enfance et s’avère un leurre. Monique Benoît conclut que l’aide apportée par Nyarlathotep, « le chaos rampant, l’émissaire des Autres Dieux » qui ont migré vers la cité, mène finalement le héros vers la folie, « le chemin le plus direct pour surmonter le tabou et ne faire qu’un avec l’objet de son désir ».
Source : Janelle, Claude, Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, 2021, p. 426.