Parution : Images féministes du futur, Les Cahiers du Grad 6, Sainte-Foy, Université Laval, 1992, p. 129-155.
Le but de cet article est « d’examiner une vingtaine d’utopies écrites entre 1887 et 1987 pour voir comment elles abordent le problème de la violence, et surtout pour vérifier si les utopies féministes suggèrent des solutions originales à ce problème » (p. 130). Le groupe des utopies masculines comprend deux sous-groupes : celui des eutopies (Looking Backward, de Bellamy ; A Modern Utopia, de Wells ; et Island, d’Huxley), et celui des dystopies, qu’elles soient roses (Nous autres, de Zamiatine ; Le Meilleur des mondes, d’Huxley ; Les Jeux de l’esprit, de Boulle ; et Fahrenheit 451, de Bradbury) ou noires (A story of the Days to Come, de Wells ; The Iron Heel, de London ; et 1984, d’Orwell). Le groupe des utopies féministes se partage lui aussi en deux sous-groupes analogues : celui des eutopies (Écotopie, de Callenbach ; Herland et With Her in Ourland, de Gilman ; La Main gauche de la nuit et Les Dépossédés, de Le Guin ; The Female Man, de Russ ; et Les Guérillères, de Wittig), et celui des dystopies (La Servante écarlate, d’Atwood ; L’Eugélionne, de Bersianik ; Le Nom du monde est forêt, de Le Guin ; et La Planète des poupées, de Renard).
Dans un cas comme dans l’autre, l’auteur étudie le mode d’émergence de la société nouvelle, ses façons d’assurer sa survie, et les modalités de son éventuelle dissolution. La conclusion souligne l’omniprésence de la violence dans ces textes, ce qui dément d’emblée le lieu commun de l’utopie connue parangon de perfection. Loin d’occulter le problème de la violence, loin de le résoudre miraculeusement, l’utopie pose en fait le problème de la violence légitime. Particulièrement frappantes sont la proportion d’eutopies féministes émergeant d’une violence originaire, l’élimination des hommes, et l’impossibilité pour ces sociétés meilleures d’envisager leur propre dissolution tant que les hommes n’y ont pas accès. Mais cette élimination des hommes doit être considérée, sur le plan symbolique, comme la condition de possibilité de la création d’un monde entièrement féminin permettant aux femmes d’exercer leurs véritables capacités humaines.
Source : Bouchard, Guy, L'ASFFQ 1992, Alire, p. 221.