Parution : Otrante 46, dossier « Paradoxes de l'espace-temps », Paris, Éditions Kimé, 2019, p. 13-33.
Si Philéas Fogg a démontré que la Terre n’est plus aussi vaste qu’elle l’était grâce à son tour du monde, les voyages vers la lune, depuis ceux de Cyrano de Bergerac à ceux de la NASA, ont contribué encore bien davantage à réduire la taille de la Terre. Si le bout du monde recule avec les époques, devenant progressivement le bout de l’univers, celui-ci apparaît souvent comme le lieu de l’au-delà, de la frontière, voire comme un monde inversé.
Au contraire des mouvements de l’errance, de la migration ou de l’exploration, certaines séries télévisées de science-fiction proposent une occurrence particulière du voyage interstellaire qui s’apparente plutôt à celui du récit de naufrage : le déplacement impromptu d’un vaisseau à l’autre bout de l’univers. Différents mécanismes et théories scientifiques peuvent être en cause, mais tous ont en commun le vertige de la distance parcourue – une distance de vide et d’éternité qui dépasse l’imagination et l’appréhension humaine – et la rupture, mais aussi la difficulté ou l’impossibilité du retour. La survie du groupe nécessite de se situer par rapport à l’univers connu, mais tous les outils sont inefficaces ou problématiques. Dans le cadre de cet article, il s’agira de voir de quelle façon ces bonds, ces voyages qui aboutissent à des distorsions et des ruptures de l’espace-temps sont représentés et problématisés dans des épisodes de séries tels que « Where No One Has Gone Before » (S01E06) dans Star Trek : The Next Generation, « Caretaker » (S01E01) dans Star Trek : Voyager, « Premiere » (S01E01) dans Farscape, « Air » (S01E01-S01E03) dans Stargate Universe et toute la première saison de Lost in Space (2018). [ED]