Anne L'Allier

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2006, 102 pages.

Résumé
Emmanuel Cocke, écrivain, journaliste, musicien et cinéaste, immigre au Québec en 1965. Ses deux premiers romans, Va voir au ciel si j'y suis (1971) et L'Emmanuscrit de la mère morte (1972), s'inscrivent dans le courant de la contre-culture des années soixante-dix et font intervenir un travail sur la langue qui permet d'ouvrir le cadre habituel des écritures migrantes. Le présent mémoire vise à faire redécouvrir cette œuvre restée jusqu'ici pratiquement méconnue.

Filmécrire est cette pratique textuelle de Cocke qui allie cinéma et littérature. De plus, cette pratique fait ressortir l'audible ainsi que le visible de la langue par les distorsions anagrammatiques et le renouvellement de locutions figées, entre autres. Filmécrire met en lumière l'univers contre-culturel des romans cockiens et s'avère également la revendication d'une écriture totale. La totalité dans Va voir au ciel si j'y suis et L'Emmanuscrit de la mère morte, bien qu'utopique, se rapproche de ce que l'on appelle les happenings.

La volonté de totalité se répercute à même la langue dans la mesure où une pluralité d'horizons culturels est perceptible. La langue d'écriture cockienne est teintée par les variations dans la langue française (du français québécois et du franco-français) ainsi que par la présence marquée de l'anglais. Ces variations linguistiques sont à l'image des positions de colonisé et d'apatride des protagonistes. Dans la perspective contre-culturelle de contestation et de subversion, l'analyse du code-switching illustre le désir de Cocke d'échapper aux normes trop strictes d'une seule langue.

À partir de cet hétérolinguisme, Cocke propose un discours réflexif sur la langue. La notion de traduction, mise en évidence par la présence d'un personnage-traducteur, par exemple, souligne l'impossibilité de la traduisibilité absolue. Ce discours réflexif en est aussi un sur l'américanité. Par l'écriture phonétique et par la déconstruction narrative, à titre d'exemple, nous examinerons comment la langue d'écriture cockienne s'inscrit dans une dimension américaine. Enfin, cette réflexion sur la langue permet de voir l'importance de la communicabilité totale. Cette volonté de supprimer les frontières entre les langues prend forme par la présence de l'espéranto. 

Table des matières
Liste des figures v
Résumé vi
INTRODUCTION 1

CHAPITRE I : FILMÉCRIRE OU LA REVENDICATION D'UNE ÉCRITURE TOTALE 10
1.1 Le clinamen 11
1.2 Filmécrire 16
1.2.1 L'entre-images 16
1.2.2 Écriture sensorielle : le clinamen dans la langue 23
1.3 Écriture totale 30
1.4 Conclusion 35 

CHAPITRE II : HÉROS IMPORTÉS ET CODE-SWITCHING 37
2.1 « Héros importés qui tentent de s'adapter» : le colonisé el l'apatride 38
2.2 « Malgré que ce ne soit pas très très québécois » 44
2.3 Dérapages linguistiques 52
2.3.1 L'emprunt 56
2.3.2 L'alternance codique : de l'ironie dans la langue 58
2.4 Conclusion 62

CHAPITRE III : TRADUCTION ET AMÉRICANITÉ : POUR UNE COMMUNICABILITÉ TOTALE 64
3.1 La traduction inachevée : « être appelé dans toutes les langues » 65
3.1.1 Traduire : fidélité versus trahison 67
3.2 Traduit de l'américain 74
3.3 Communicabilité totale 84
3.4 Conclusion 86

CONCLUSION 88
Figure du chapitre I 95
Bibliographie sélective 96