Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2008, 113 pages.
Résumé
La postérité du roman gothique anglais des origines (1764-1824) dans lequel on trouve le germe de genres aussi populaires aujourd'hui que la littérature fantastique, le récit d'horreur ou le roman policier prouve qu'une réelle fascination émane de ces textes. Afin d'en dégager la profondeur et d'expliquer cette fascination qui perdure malgré les réserves d'une partie de la critique, le présent mémoire se propose de débusquer au sein de cinq des premières œuvres majeures et représentatives de ce genre la présence d'une expérience universelle, celle du sacré. C'est donc dans une perspective religiologique que les textes sont étudiés, ce qui s'avère d'autant plus pertinent que cet angle d'analyse n'a encore été qu'effleuré par les spécialistes du genre. Ce n'est pas un hasard si des concepts comme le surnaturel, le mystérieux et le terrifiant, servant à définir le roman gothique, constituent également des termes-clés à la base de toute analyse religiologique. Leur examen permet en effet de souligner la présence, dans ces romans, d'une interrogation sur l'identité, sur les origines et sur le tout autre.
Endroits sombres ou grandioses, paysages vertigineux et verticalité des constructions ; les décors et l'atmosphère, créés suivant les théories d'Edmund Burke, sont sublimes et inspirent la transcendance. De même, qu'il soit question des lieux souterrains et labyrinthiques qui évoquent la Terre-Mère ou des personnages puissants et tyranniques qui s'avèrent numineux, diverses composantes caractéristiques du gothique se révèlent donc symboliques. Ensemble, ces éléments contribuent à la révélation de structures religiologiques archaïques allant de périples initiatiques effectués par les héroïnes à la succession permanente du cosmos et du chaos, la venue de ce dernier se trouvant favorisée par les transgressions et les excès des tyrans.
Au terme de l'étude, nous sommes à même de constater que plus encore qu'à une renaissance individuelle, c'est à une régénérescence collective que la quête identitaire de l'héroïne aboutit et que l'analyse religiologique permet d'affirmer l'importance de la collectivité et des rôles sociaux par opposition à l'individualisme et à l'égoïsme qu'incarne le tyran. Cette approche marque ainsi sa différence envers les études plus individualistes, psychologiques ou historiques souvent menées sur le roman gothique.
Table des matières
Résumé v
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1: L'APPROCHE RELIGIOLOGIQUE DU ROMAN GOTHIQUE
1.1 Roman gothique et religiosité
1.1.1 Au-delà des stéréotypes 6
1.1.2 Muthos et logos. Raison et irrationalité 10
1.2 L'expérience du sacré
1.2.1 Le numineux 15
1.2.2 Le surnaturel 17
1.2.3 Le mystère 21
1.2.3.1 Le terrifiant (le mysterium tremendum) 22
1.2.3.2 Le fascinant (le mysterium fascinans) 28
1.2.4 La transcendance 30
1.2.5 Le sublime 36
CHAPlTRE II : LES COMPOSANTES SYMBOLIQUES DU ROMAN GOTHIQUE
2.1 L'expression de la démesure sublime 39
2.1.1 L'obscurité et le silence 40
2.1.2 La grandeur et le pouvoir 45
2.2 Des lieux initiatiques
2.2.1 Les seuils et les escaliers 48
2.2.2 Les souterrains 50
2.2.3 La lune et la nuit 55
2.2.4 Le labyrinthe 57
2.2.5 Perversion du décor 60
2.3 Les personnages numineux 62
CHAPITRE III : L'INVASION DU CHAOS
3.1 Les espaces sacrés et la menace du chaos 70
3.2 Les excès et les transgressions
3.2.1 Le temps profane et le temps sacré 75
3.2.2 Passion et imagination 81
3.3 L'évolution du récit
3.3.1 La linéarité classique. Enfermement et fuite 87
3.3.2 La fragmentation frénétique. Le chaos formel 90
3.4 De la renaissance à la régénérescence
3.4.1 La quête identitaire de l'héroïne. De l'individuel au collectif 92
3.4.2 La quête inachevée du tyran 97
CONCLUSION 103
Bibliographie 110