À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Il y a Annette, la bonniche, Léontine, sa collègue plus âgée qui a élevé Maître Vitelli, le petit Victor et ses crises, et Ernest la petite frappe, le frère d’Annette, qui dit avoir tout vu. C’est que Me Vitelli a été trouvé baignant dans son sang. Le commissaire Leroy enquête sur ce meurtre qu’on a vraisemblablement voulu camoufler en suicide.
Les renseignements recueillis sont étranges : les empreintes sur l’arme du crime – un rasoir – sont celles de Léontine ; Ernest affirme que le petit Victor, couvert de sang, marchait comme un somnambule ; ce dernier qui écrit une lettre bizarre au commissaire pour s’accuser… En visite chez son ancien patron, le commissaire Groslay, Leroy, face aux prémonitions de madame Groslay, décide de remonter dans le passé de la famille Vitelli. Il y trouvera bien des choses.
D’abord Léontine, que l’arrière-grand-père a achetée, puis Antonio le grand-père, mort empoisonné par sa femme, Martine, qui a purgé une peine de dix ans de prison pour son crime. Mais il y a plus, et c’est la vieille Amélie, une étrange sorcière, qui lui donne le nœud de l’histoire. Paraîtrait que Léontine passait des mains du vieux à celle d’Antonio et, alors que Martine était enceinte de Bertrand, que son mari ne se privait pas, au grenier… À l’accouchement, le bébé né prématurément est sauvé par Léontine. Et, toujours d’après Amélie, même si Martine est morte depuis longtemps, elle continue à en vouloir à Léontine et il serait pas surprenant si…
Leroy en sait assez, d’autant plus que le fantôme de Martine commence à le visiter. Lui reste à interroger le petit Victor et Léontine. La vérité sur la mort de Bertrand Vitelli éclatera alors au grand jour.
Commentaires
De ce court roman policier qui inaugure la collection Alibis de XYZ éditeur, il faut d’abord parler de la dédicace, qui rend compte de l’intention première de l’auteure : À Claude Hagège, en espérant qu’il se réjouisse « de la variété des langues de l’après-Babel » contenues dans ce livre.
Est-ce cette volonté de foisonnement langagier qui a structuré l’intrigue, ou l’intrigue qui a dicté les langages utilisés, peu importe à vrai dire puisque le résultat reste le même, qu’il provienne d’une direction ou de sa contraire : une impression de fouillis, d’atmosphères accolées les unes aux autres, de « brouillon de culture », si je peux oser l’expression, sans toutefois mettre l’accent sur ce qu’elle peut avoir de péjoratif.
Car 13, rue de Buci, malgré ses défauts majeurs – lire structure de base et gradation –, demeure d’une lecture agréable. Ce commissaire Leroy s’avère aussi sympathique que le premier Maigret ronchonneur de Simenon – d’ailleurs sa parenté avec ce dernier est évidente tant au niveau spirituel que physique – et les personnages qu’il rencontre au fil de son enquête sont tous aussi solides les uns que les autres, malgré la trop grande brièveté de leur apparition.
Ce qui nous amène à l’autre reproche que je pourrais faire à ce roman, c’est-à-dire sa trop grande brièveté. Ce n’est pas une novella que le sujet quémandait, mais bien un roman d’au moins 250 pages ! La richesse même des différents épisodes prêche en ce sens. Qu’on en juge par la mise en place du décor policier, établie dans les trois premiers chapitres, mais brutalement coupée au chapitre 4 alors que le commissaire décide d’aller visiter son frère et sa belle-sœur à Concarneau ! Là, à peine le lecteur peut-il se permettre d’être à l’aise dans cette digression – intéressante, cependant – qu’il se retrouve chez l’ancien patron de Leroy, puis à Nantes, puis… Ouf ! de grâce, nous n’en pouvons plus.
Une plume moins suggestive aurait perdu son lecteur dès le premier saut quantique ; celle de Charlotte Boisjoli sait quand même attacher, retenir. À chaque bond, un nouveau dialecte, une nouvelle atmosphère. Le fantastique fait son apparition de façon surprenante avec la femme de Groslay, le vieux commissaire, qui a des intuitions surprenantes, puis s’installe définitivement à Nantes, alors que le commissaire Leroy apprend de la bouche d’Amélie les singuliers agissements post-mortem de Martine, la mère de la victime. La présence du fantastique sera à ce point ancrée qu’à la toute fin, après une déposition troublante du petit Victor obtenue grâce à l’hypnotisme, le commissaire lui-même proposera la solution de l’accident afin d’empêcher que des innocents – dans les deux sens du terme – soient victimes des manigances d’outre-tombe.
La petitesse du contenant, avouons-le, n’est pas la seule raison de la faiblesse du contenu, si riche soit-il. Sa désorganisation et son manque de rigueur dans l’intrigue purement policière nuisent énormément. Dans ce genre, le cause à effet et le raisonnement logique aura toujours préséance sur l’intuition et la coïncidence lorsqu’il sera question de crédibilité.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur 13, rue de Buci, ne serait-ce que sur les niveaux de langage utilisés, leurs croisements et enchaînements, ce lexique final qui dérange la lecture – la note de bas de page me semble plus indiquée dans ce cas-ci –, la grande qualité du drame humain qui sous-tendait toute cette histoire, etc.
Mais peut-être l’auteure a-t-elle l’intention de nous présenter dans l’avenir la version longue de cette belle histoire ? C’est ce que j’ose espérer tant j’ai aimé les fondements de 13, rue de Buci. [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 32-34.