À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
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Ces deux nouvelles – « La Tête de Walt Umfrey » et « À la recherche de Monsieur Goodtheim » –, la première publiée en 1984, la seconde inédite, viennent mettre un point final au Cycle du Carnaval dont la spirale descendante, amorcée avec Boulevard des Étoiles, atteint ici son point le plus bas. L’angoisse et la noirceur du futur rêvé par Sernine atteignent en effet leur plus haut niveau d’intensité, et confirment une fois de plus le lien de sa SF « adulte » avec son fantastique : les mêmes motifs de la culpabilité et du châtiment en constituent l’armature profonde. Viennent y errer des doubles et des simulacres qui n’arrivent plus à servir de paratonnerres à une agressivité toujours plus près de la surface, dirigée d’une façon toujours plus menaçante contre les figures incarnant le Moi.
Par ailleurs Argus, Érymède, les Psychéens, toutes ces figures autrefois bénéfiques, s’agitent maintenant dans le même miroir déformant que les restes oisifs de l’humanité, livrée aux plaisirs de plus en plus mortels du mensonge érigé en norme. Les pulsions profondes se donnent libre cours, incarnées en Maîtres de Jeux mégalomaniaques et sadiques, ou, plus frappant encore, sous la forme des « piranhas sur pattes » de Goodtheim. Dans cet univers déboussolé, le bien, le mal, autrefois encore décelables dans les indignations écologiques des nouvelles constituant Le Vieil homme et l’espace, ne semblent plus maintenant que des oripeaux vides.
Curieusement, alors que la Terre est censée être presque vide d’habitants, et donc sauvée de ses parasites humains, on trouve parmi les survivants une frénésie d’autodestruction ou « d’entre-dévoration » aussi furieuse que parmi les rats d’une cage surpeuplée. C’est que la Terre (ou la Nature), dont le salut était en définitive la seule morale des nouvelles de ce premier recueil de Sernine, la Terre elle-même n’offre plus aucune rédemption. Ce n’est pas d’y être plus ou moins nombreux et destructeurs qui compte, qui désespère, c’est tout simplement d’y être encore, d’y être toujours, dans le huis clos infantilisant du Carnaval.
Seul l’élan vers les étoiles serait salvateur, non seulement hors de la Terre-mère mais aussi hors du système solaire, loin des manipulations paternalistes – et de plus en plus ambiguës – des Éryméens. Un second Exode, mais un Exode libéré des catégories de l’espace et du temps grâce à l’hyperespace, grâce à la vitesse supraluminique, grâce en fin de compte à ce qui ressemble le plus, dans la SF, à l’abracadabra magique de la fantasy – ou du fantastique.
Et pourtant, ce n’est pas avec « La Tête de Walt Umfrey » que se clôt le cycle, mais sur l’image de Niki Relstad reprenant sa quête absurde, lui qui n’a échappé à la mort qu’en perdant plus ou moins ce qui lui restait d’âme… À vrai dire, terminer sur « La Tête de Walt Umfrey » aurait à peine été moins sinistrement résonant : Umfrey est moins là pour cette tête si phalliquement pleine de science et qu’il s’agit de sauver, que pour son cœur et surtout ses reins, cette sexualité par où la Nature, le désir, la chair le tiennent, et le tiennent bien. Aucun passage stellaire ne permettra à l’être serninien de se libérer de soi : « Walt Umfrey, astrophysicien. Le Carnaval, on le porte en soi. » [ÉV]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 150-153.
Prix et mentions
Prix Boréal 1992 ex æquo (Meilleur livre)
Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1992
Références
- Bélil, Michel, imagine… 60, p. 102-103.
- Dupuis, Simon, Solaris 96, p. 17-19.
- Larocque, François, Québec français 83, p. 8.
- Martin, Christian, Temps Tôt 12, p. 23.
- Pelletier, Francine, Samizdat 20, p. 22-25.
- Pelletier, Francine, XYZ 29, p. 88-89.