À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le narrateur-protagoniste rend visite à son ami Augustin Cassain, qu’il a vu il y a longtemps. Augustin l’a invité pour lui montrer une pierre précieuse qu’il a acquise, « une gemme violette, mate, d’un éclat sombre » qui est en réalité un abraxas – une pierre d’envoûtement. Depuis qu’il détient l’abraxas – sans savoir que c’en est un –, Augustin s’est entiché d’une femme qui lui répugnait, la dernière fois que son ami visiteur lui avait parlé…
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Commentaires
Voilà une nouvelle qui, si elle récupère un archétype du fantastique canonique (ce que Louis Vax appelle le thème de la possession magnétique ou diabolique, dans L’Art et la littérature fantastiques), fait montre d’une belle originalité quant à la manière dont le surnaturel se déploie dans l’œuvre : un peu comme dans la nouvelle de Robert Hichens, « Comment l’amour s’imposa au professeur Guildea » (1900), il y est question de l’influence insidieuse d’un objet qui a la capacité d’altérer les sentiments d’une personne pour une autre. En fait, le phénomène surnaturel s’avère presque relégué au second plan dans ce texte, tellement l’érudition du narrateur (et, ipso facto, de l’auteur) y est étalée avec force références culturelles. C’est peut-être ce qui confère à ce récit son efficacité : comme chez Augustin Cassain, l’effet de l’abraxas est instillé progressivement et se perd un peu dans l’amas de la « normalité ».
Ce texte aurait pu être publié au XIXe siècle, non seulement en raison du thème qu’on y explore mais également en raison du style qu’on y observe. Vaillancourt emploie un style qui, s’il est globalement élégant, verse fréquemment dans la préciosité. Surtout, le lecteur tangue entre la satisfaction de voir apparaître des termes peu souvent usités (hyalin, labadens, haquenée) et l’agacement devant ou bien des néologismes (s’éparer), ou bien ce qui s’apparente par endroits à une logorrhée particulièrement ostentatoire, ou bien quelques erreurs de français écrit (ou coquilles imputables à l’éditeur) qui semblent inexcusables parmi la meute de termes rares que nous sert le narrateur (bagou, sans le « t », par exemple). On imaginerait bien ce texte publié au XIXe siècle, donc, tant le maniérisme des personnages (dans le verbe et dans les actions) relève d’une époque lointaine.
Hormis ces réserves quant à la pertinence du langage employé par endroits, si l’on peut (comme moi) apprécier l’originalité de l’intrigue et ce souci d’écrire un texte qui sort de l’ordinaire, « L’Abraxas » est un récit qu’on gagnerait à connaître – ainsi qu’à mettre davantage en évidence parmi les textes « écrits », stylisés du fantastique québécois. [SL]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 183-184.