À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Planète Terre, an 3253, en pleine Période de distraction, un Mickey télépathise à son groupe de branchés qu’il a retrouvé et déchiffré des documents électroniques remontant à plus de mille ans consacrés à l’étude des transformations de l’organisme humain. Il faut dire que le corps des hommes est devenu une sphère sans membres ni appendices autres que deux très grandes oreilles rondes et orientables faisant d’eux tous une race indifférenciée de têtes de Mickey.
Commentaires
À force de rester assise devant des écrans à bouffer des bouillies insipides, prémâchées, prédigérées, à force de porter le coude haut, le cellulaire à l’oreille tout le temps, à s’intoxiquer d’entertainment, d’images de synthèse et de rires-en-canne, l’oreille démesurément et bêtement attentive à la rumeur, la bête humaine a pris le profil d’une patate, elle a d’abord perdu sa forme, puis la mémoire, elle a ensuite perdu ses racines avant de perdre le fil de l’histoire. Elle perd encore… Au fait, que lui reste-t-il encore à perdre ? sa liberté ? mais pour quoi faire, la liberté ?
Jacques Folch-Ribas tient ici un sujet en or, une très bonne idée. Plus qu’une idée même, une intuition, voire une prémonition, quand on jette un coup d’œil à cette nation d’obèses hyperconsommateurs de divertissement et de bouffe industrielle que sont les Amerloques, nos voisins (et nos semblables nord-américains…). Son idée, il l’exploite à partir de deux points de vue temporels. Le premier, le temps de l’introduction et de la conclusion, est placé à 1200 ans d’ici, en pleine ère de « têtes de Miquette ». Le second, celui des documents électroniques retrouvés, se situe dans moins de trois siècles, au cours d’un congrès d’universitaires préoccupés par un phénomène apparu récemment, mais en pleine accélération – d’où le titre –, celui de la mutation du corps humain en « tête heureuse ». Cette dualité de points de vue donne au récit tout son sens ainsi que sa perspective si particulière.
Je ne crois pas que Folch-Ribas ait jamais vraiment écrit de la SF autrement que par jeu, comme dans ce cas-ci. Il relève cependant le défi avec brio : dans une langue impeccable, il parvient à divertir, il amuse, il fait même réfléchir, ce qui le propulse d’emblée parmi la crème des auteurs du genre. Toutefois, il n’émeut pas vraiment, ce qui le ramène sur le plancher des vaches, en pleine littérature d’idées. Mais la SF n’est-elle pas, justement, une littérature d’idées ? [RG]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 81-82.