Résumé/Sommaire
Jim Scott est un jeune homme solitaire qui préfère travailler de nuit. Le chauffeur de taxi qui le conduit cette nuit-là au travail le reconnaît : ils ont été amis à l’époque où Jim faisait du taxi à New York. À la pause, ils vont manger des souvlakis, puis Jim tombe dans un coma inexplicable. Pendant une semaine, les médecins lui font subir une batterie de tests mais ils n’arrivent pas à déterminer la cause de sa maladie. Une chercheuse de l’hôpital, Alice Klein, s’intéresse à son cas et prend Jim sous son aile.
Celui-ci émerge de son coma quand sa chambre est plongée dans la pénombre et il s’enfuit de l’hôpital après avoir ingurgité quelques litres de sang. Jim n’a plus alors qu’une obsession : s’abreuver de sang frais pour refaire ses forces. C’est à ce moment qu’il prend pleinement conscience de sa nature de vampire. Après avoir tenté d’assouvir sa soif sur des animaux, il doit admettre que rien ne vaut le sang humain. Au cours des semaines suivantes, il fait de nombreuses victimes dans la ville.
Le commissaire Dennis Roberts est saisi de l’affaire et parvient à mettre la main au collet du vampire. Trop facilement, à vrai dire. Jim Scott parvient à s’échapper grâce à sa capacité de se métamorphoser, couvrant de ridicule le policier qui s’était glorifié de son exploit. Roberts consent à faire équipe avec Alice Klein qui a noué une relation de confiance, voire d’amour, avec son patient en cavale. À la suite de l’initiative d’une policière qui s’est offerte en appât dans un parc, Jim est à nouveau capturé. Grâce à un traitement aux hormones, Alice Klein tente, avec la collaboration de Jim, de contrôler sa maladie et de rétablir sa nature humaine en faisant échec à ses instincts de vampire.
Pendant ce temps, Jim est traduit en justice et accusé du meurtre de quarante-sept personnes. Il est défendu par Sylvia Klein, la sœur d’Alice, une jeune avocate ambitieuse qui plaide l’aliénation mentale de son client. Jim est condamné à la prison à vie, mais le juge et le maire de New York voulant faire un exemple, ils incriminent Jim d’un meurtre survenu en Californie où la peine capitale est en vigueur. Nouvellement retraité, le commissaire Roberts flaire le coup monté et organise l’évasion de Jim au moment de son transfert en camion blindé vers la Côte ouest. Le prisonnier et Roberts se réfugient à Montréal.
Commentaires
Michel Brûlé a fondé Les Intouchables en 1993, la même année que la parution de son premier roman, Ail, Aïe !. Si, depuis, sa carrière d’éditeur a été marquée de nombreux succès de librairie et d’initiatives qui ont révolutionné certaines pratiques commerciales – comme la mise en marché simultanée des trois premiers tomes d’une série de douze volumes en littérature jeunesse –, sans compter l’acquisition de maisons d’édition qui élargissent la diversité de sa production, on ne peut en dire autant de sa carrière d’écrivain – disons, plus modestement, d’auteur. Elle ne débute vraiment pas sous les meilleurs auspices avec ce Ail, Aïe !, croisement de récit de vampire et de roman policier. Les amateurs de l’un ou l’autre genre seront déçus, la condition de vampire de Jim Scott étant peu développée, tandis que les rebondissements de l’enquête du commissaire Roberts sont rocambolesques et truffés d’invraisemblances.
Tout, dans le roman, trahit un amateurisme ahurissant et un manque de subtilité. L’écriture est quelconque, farcie d’expressions maladroites, de fautes de syntaxe. Des exemples ? « Manuela voudrait même que son mari prenne une journée de congé et qu’il fasse un [sic] petite lune de miel ensemble » (p. 51) ; « […] il ne faut surtout pas se sentir bousculer par le temps » (p. 45) ; « Pour l’acculer aux pieds du mur » (p. 110) ; « En dépit de leurs bons rapports avec leurs voisins du Sud, le Canada » (p. 156). Qui plus est, les transitions d’un paragraphe à l’autre sont abruptes, comme si le texte avait été rafistolé.
Cela n’est pourtant rien au regard des réflexions qui émaillent la « prose » de Brûlé. On a la désagréable impression que l’auteur règle ses comptes avec les médias, avec les juges conservateurs, avec la justice. On le sent dans les échanges qu’a son commissaire avec des témoins dans le cadre de son enquête, prétexte à l’expression des opinions de Brûlé sur une foule de sujets : le célibat, la bureaucratie, la sécurité à New York, la supercherie de la religion, la langue française au Québec. Et quand il embrasse une cause louable comme le sexisme dont sont victimes les femmes – voir sa défense de la contribution importante d’Alice Klein et de la policière Carol Walker à la capture du vampire, contribution passée sous silence par les médias américains –, on soupçonne qu’il le fait par opportunisme et non par conviction, desservant ainsi la cause qu’il défend.
Par ailleurs, les raisonnements de ses personnages reposent sur des prémisses fausses et leurs agissements sont souvent irrationnels. Imaginez un commissaire de police expérimenté et respecté, rongé par le remords, qui éclate en sanglots… L’évocation de l’application de la loi des mesures de guerre – réminiscence de la Crise d’octobre 70 – dans un contexte américain constitue une autre aberration en soi. On pourrait multiplier ainsi les exemples.
La finale, d’un ridicule consommé, situe l’action au Québec de façon à permettre à l’auteur de comparer le système judiciaire américain à celui du Québec régi par le Code civil. Cela apparaît davantage comme un prétexte pour tailler en pièces la Charte canadienne des droits et libertés et pour déverser son fiel sur l’ex-premier ministre Trudeau qu’il met en situation de procureur de la Couronne dans le procès intenté à Jim Scott au Canada – très crédible ! Brûlé dérape complètement : il traite Trudeau de « vieillard radoteux », de « vieux hideux » et d’« ex-dictateur canadien ». Qu’on aime ou pas l’ancien homme politique, cette charge est tout simplement dégueulasse. Dans la foulée, l’auteur fait de la psychologie à cinq sous en tentant de psychanalyser les relations politiques qu’entretient le Canada avec le Québec.
Ail, Aïe ! est un lamentable ramassis d’invraisemblances, d’inepties, de clichés gros comme le bras… d’honneur que je serais tenté d’adresser à l’auteur tant il représente tout ce qu’on peut détester chez un individu. Mais ce serait sans doute lui faire trop d’honneur ! [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 41-43.