À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Courte nouvelle
Paru dans
Décollages
Pagination
32-37
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1994
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Sans trop savoir pourquoi, la narratrice, sa compagne de route et tous les animaux se sentent poussés à marcher sans relâche autour d’un long parcours circulaire constituant la totalité de leur monde. Au moment d’arriver au cimetière des écureuils, qui semble être cette « aire de repos » marquant la fin d’un épuisant tour du sentier et le début d’un autre, la narratrice se laisse aller à réfléchir sur le sens de cette marche qui rythme le passage de son existence. Les « immobiles » végétaux qui parsèment le chemin et les restes osseux des morts qui se sont écroulés sur le sentier deviendront ici les déclencheurs d’un phantasme de repos.

Commentaires

 

Cette nouvelle est tirée d’un numéro spécial de la revue imagine… dans lequel les auteurs sollicités se voyaient proposer trois illustrations originales (créées par Danièle De Blois dans ce cas-ci) comme ancrages pour la création d’un récit. Au fil de ce texte, les lecteurs voient ici émerger la géographie d’un monde. Le ton de cette nouvelle est délibérément monotone. L’auteure veut nous faire sentir l’effet de cette lancinante marche forcée sur ce sentier traversant savane, lagune, tourbière, désert. Nous sentons bien la résignation de la narratrice. Même le bref moment d’évasion dans la pensée capturé dans ce texte y est présenté comme exceptionnel et, au bout du compte, comme futile.

Le contraste entre les êtres qui marchent et les « immobiles » est traité avec un bon degré d’habileté. La narratrice n’aspire pas à l’immobilité. Pour elle, le monde des immobiles est si étranger qu’elle ne saurait même concevoir ce que signifie y aspirer. Il s’agit d’un monde radicalement autre, que même le sentier tente d’éviter en louvoyant pour ne pas passer trop près des arbres. Pourtant, les deux univers ne sont pas isolés : certains petits animaux vont mourir dans les branches des immobiles et les alimentent, les racines des immobiles percent la surface de la piste et font ainsi intrusion dans le monde des mobiles. Il s’agit là d’une belle symétrie, traitée avec élégance.

Les lecteurs réfractaires aux allégories un peu trop transparentes trouveront, cependant, que ce monde où « un aiguillon nous pousse à aller toujours de l’avant » ressemble trop à moult représentations pessimistes de la condition humaine, ou de la modernité. L’élément original, ici, est que tous les animaux, de la fourmi à l’humain, semblent partager cette existence absurde et tournent en rond ensemble. Par ailleurs, il faut souligner la manière économe et efficace par laquelle l’auteure fait émerger un monde complet et grouillant de vie en à peine quelques centaines de mots. La nouvelle se clôt par une illustration montrant quatre fétus humains en gestation sous le sol du cimetière des écureuils, et un souhait de la narratrice, espérant que la prochaine génération n’ait pas à subir cette tyrannie du mouvement. [MH]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 109-110.