À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Nuit après nuit, un jeune rocker célèbre est contacté par les étranges émissaires d’une non moins étrange femme, Aléa, qui désire le rencontrer. Tour à tour il est charmé, agacé, intrigué par ce qu’il apprend sur cette Aléa dont la personnalité semble multiforme. Les rumeurs rapportées à son sujet sont étonnantes et donnent d’elle une image de légende urbaine, de mythique déesse régnant sur tout un réseau de personnages qui lui sont dévoués. Il la rencontre finalement et découvre qui elle est vraiment.
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Commentaires
Je crois bien n’avoir jamais lu une nouvelle qui mérite autant – et ce, dans tous les sens du terme – le qualificatif de magique. Je ne parle pas de la magie tel qu’on la trouve dans la High Fantasy ou le réalisme magique, mais de quelque chose de beaucoup plus novateur, profondément porteur de sens, une magie à la fois intangible et palpable, présente et absente, sombre et lumineuse, qui touche le lecteur directement par son intelligence, sa sensibilité et sa conscience.
Il est difficile de rendre justice à cette écriture magnifique et somptueuse. Je pourrais évoquer Leiber, dans ses romans fantastiques ou, encore plus, Jean Cocteau pour la qualité poétique, les trouvailles ingénieuses, l’atmosphère générale et ce désir d’inscrire le fantastique mythologique dans le monde contemporain. Mais à dire vrai, Anne Dandurand utilise une approche différente des gens à qui on serait tenter de la comparer. Elle écrit, parle et chante les mots sur un rythme rapide et électrique, la rapidité lente et l’électricité douce de notre monde présent. Plus qu’aucun autre écrivain québécois, elle sait “métriser” le subtil mélange de poésie rock et de spleen nocturne, d’amour passionné et de tendresse speedée au rythme des rues de la ville.
« Aléa » est à la fois une histoire de sorcière délicieuse où le personnage principal masculin – ce qui est rare avec notre auteure – est complètement manipulé pour son bien, une histoire de déesse réactualisant certains éléments de la mythologie grecque, une histoire de réincarnation vraiment pas comme les autres, et aussi une belle histoire d’amour pleine de méfiance et d’abandon. Il y a encore des scènes proprement hallucinantes – la description de l’appartement d’Aléa et sa rencontre avec le musicien, entre autres – et une écriture unique : « Comme tout à l’heure, la ville étale à nos pieds ses pierreries électriques. ». Une seule réserve, cependant, concernant le changement de narrateur pour le dernier paragraphe de la nouvelle : s’il permet un beau retournement poétique, il ne me semble pas pleinement justifié.
Mais franchement, cette nouvelle est une pierre précieuse tellement bien polie que l’on n’a peut-être pas le droit de faire ce genre de remarques. [RB]
- Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 59-60.