À propos de cette édition

Éditeur
Le Samedi
Genre
Fantastique
Longueur
Feuilleton
Paru dans
Le Samedi, vol. VI, n˚ 41
Pagination
8
Lieu
Montréal
Date de parution
16 mars 1895

Résumé/Sommaire

Londres, 1710, dans la taverne de maître Dygby. Walker, capitaine de la marine royale, raconte à ses comparses comment il détournera une jeune fille de ses épousailles avant que lui-même ne convole avec sa fiancée, miss Anna Routh. Et voilà John Moore, un puissant marin qui vient réclamer clémence puisqu’il espère épouser la jeune fille en question, Jenny. Mais Walker étant intraitable, Moore promet vengeance !

Golfe du Saint-Laurent, 1711. La flotte anglaise, commandée par l’amiral Walker, fonce vers Québec toutes voiles dehors. Mais la mer est démontée, les brisants d’une traîtrise funeste. Paradis, un habile pilote capturé, guidera l’Edgard. Mais les autres vaisseaux n’arrivent pas à suivre le chenal tortueux ; la flotte s’éventre sur les récifs de l’Île-aux-Œufs. Trois personnes survivent au naufrage : John Moore, Paradis et l’amiral Walker. Le matelot prendra finalement sa revanche sur l’officier.

Depuis ce temps, on voit parfois se briser un à un, sur les récifs de l’Île-aux-Œufs, les navires de la flotte fantôme de L’Amiral du brouillard.

Commentaires

Cette nouvelle de Louis Perron n’apparaît ici qu’en raison de sa cinquième et dernière partie. Celle-ci comprend un seul paragraphe, qui explique ce que voient parfois le long de l’Île-aux-Œufs, par temps sombre, les pêcheurs épouvantés. De fait, ce texte est essentiellement la relation d’une vengeance amoureuse et, en même temps, la démonstration de la bravoure d’un capitaine canadien qui coula à lui seul une flotte anglaise entière – après avoir amené les autres navires à s’échouer, Paradis a profité de la désorganisation sur le bateau de l’amiral pour mettre le feu aux poudres et faire sauter le dernier vaisseau de la flotte.

Possédant une belle écriture évocatrice, Louis Perron rend à merveille les décors et les états d’âme de ses personnages. En ce sens, Walker se présente comme une tête brillante et forte, malgré son outrecuidance et son manque de charité, alors que Moore, bien qu’il soit pourvu d’une force brute remarquable, montre bien comment, à cette époque, la figure de l’autorité était puissante.

Il faut aussi souligner que l’auteur n’impose pas de surcharge mélodramatique, se fiant plutôt à sa plume alerte et vivante pour décrire les décors et transmettre les émotions ; pas vraiment de morale en fin de parcours non plus, l’histoire étant déjà assez éloquente et se suffisant à elle-même. Pourtant, il restera, une fois la lecture terminée, une question qui n’aura pas trouvé réponse : pourquoi diable avoir surnommé Walker, dans le titre, l’amiral du brouillard ?

« L’Amiral du brouillard » est un très beau texte ; et c’est par la grâce de son dernier paragraphe qu’il a su trouver sa place ici, dans le corpus fantastique de l’Amérique française du XIXe siècle. [JPw]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 149-150.