À propos de cette édition

Éditeur
JCL
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Extraterrestre
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
247
Lieu
Chicoutimi
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Après avoir perdu leur toute petite fille, Dave et Sophie Martin gagnent dix millions à la loterie, ce qui les incite à effectuer un voyage dans les Antilles afin d’oublier leur chagrin, d’autant plus que la famille compte d’autres enfants : deux garçons. Dave ayant ressenti une illumination à la vue d’une île en forme d’ampoule électrique, le couple achète ce domaine et choisit de s’y établir.

Or, ils ne sont pas les seuls habitants de cette île oubliée : une famille extraterrestre les y attend. Une solide “amitié cosmique” se noue alors entre Terriens et visiteurs venus d’Azel qui désirent apprendre les coutu­mes terriennes, allant jusqu’à s’épouser religieusement. Les visiteurs quitteront la Terre, non sans avoir laissé derrière eux un message de paix gravé sur pierre.

Commentaires

Amitié cosmique, premier roman de Nicole Paradis, nous présente une charmante et parfaite petite famille qui constitue en fait le personnage central de cette histoire et en qui réside la seule force de l’œuvre : les enfants s’avèrent en effet très crédibles, surtout présentés à travers leur dialogue/dispute perpétuel qui laisse supposer que l’auteure, mère elle-même, connaît bien les enfants et sait leur donner un comportement tout à fait naturel. Un autre personnage aurait pu être attachant s’il avait évolué : celui de Sophie Martin, mère des enfants ou plutôt maman-poule préoc­cupée de couture et de cuisine, confinée dans son rôle mais béatement heureuse de son sort.

Le type de narration transforme le roman en un journal de bord à deux voix où seraient consignés les faits banals de la vie quotidienne ; cet effet s’accentue lorsque Dave, le narrateur principal, apprend à piloter un bateau. Les parties constituées par le journal de Sophie sonnent juste, sauf lorsque la naïve narratrice nous fait part de ses états d’âme avec la sponta­néité d’une enfant de douze ans. Par ailleurs, l’usage exclusif du temps présent rend très confus l’ordre des événements. Un passé simple plaqué ici et là laisse croire qu’on a modifié le temps de narration, oubliant quelques “artefacts” isolés.

Pour ce qui a trait à l’écriture, je n’ose parler de style tant les clichés y abondent : le héros saisit « le taureau par les cornes » (p. 16) et son sang « ne fait qu’un tour » (p. 18-19) ; Sophie décrit les enfants « heureux comme des poissons dans l’eau » (p. 63). Il faut ajouter à ces clichés des formulations si maladroites qu’elles créent un effet comique certainement pas souhaité par l’auteure. Permettez-moi de citer quelques exemples : « Elle s’éteignit en étreignant son petit » (p. 12) ; le héros ne « trouve pas les mots justes pour décrire [leur] paradis » (p. 67) ; « Je suis estomaqué […], j’ose à peine respirer […] Que d’émotions ! » (p. 109) ; sans compter le décor du roman : une île en forme d’ampoule devant laquelle le héros est ébloui par « une lumière fulgurante » (p. 33).

Quant aux extraterrestres verts, dotés d’antennes, exhalant de la fumée par les oreilles, s’exprimant dans un petit-nègre agaçant, ils peuvent guérir les humains en les touchant du doigt, on les emmène fêter l’Halloween déguisé en fantômes… Un E.T. à dimension familiale, quoi ! Des E.T., à la fois savants et ignares, sages et infantiles, ne connaissant ni la guerre, ni la haine, ni l’envie, ni la jalousie, ni l’argent, ni le travail. Et pourtant, ils n’enseignent jamais rien aux Terriens, au contraire : ce sont des enfants qu’il faut élever ; Sophie leur coud des vêtements (robes pour les unes, salopettes pour les autres) et les petits terriens leur apprennent à se tenir à table. Y a bon, missié terrien.

Au moment du départ des extraterrestres, une scène ravissante nous montre les enfants pleurant à chaudes larmes… vertes ! Ces enfants E.T. ont été nommés Grenouille et Crapo par les garçons terriens ; quant à leur mère, elle est désolée de ne pas parvenir à faire cuire convenablement le rôti ! J’ai peine à admettre qu’une auteure puisse tenter de concevoir des extraterrestres originaux et les rendre ensuite aussi ridicules. Il est déjà assez difficile d’accepter que leur relation avec les Terriens soit limitée à l’apprentissage des rôles traditionnels. Ce n’est qu’à la toute fin du roman, au moment du départ, que les Terriens apprendront une unique coutume d’Azel, seul savoir extraterrestre qu’ils retireront de leur aventure.

Sans jamais décrire leurs organes sexuels, le narrateur est en mesure de différencier du premier coup d’œil le mâle de la femelle et comprend aussitôt que la femelle adulte est la mère des petits. Hormis les clichés tirés tout droit des films d’animation, l’aspect anatomique et surtout sexuel se trouve évacué du roman, ce qui est dommage car il aurait pu être intéres­sant de décrire plus en détail le développement et la naissance du petit Apollo, troisième enfant des E.T.

Il est difficile de ne pas comparer ce roman à celui de Jean-François Somcynsky, Les Visiteurs du pôle Nord, qui abordait la sexualité extraterrestre avec une simplicité désarmante. Dans Amitié cosmique, les E.T. se font voyeurs puisqu’ils observent le couple terrien faisant l’amour sur la plage. Le héros en est conscient mais n’osera pas interroger les visiteurs sur cette question ! Voilà de la pudeur que le lecteur, frustré que l’on ait ainsi éveillé sa curiosité sans répondre à une seule des questions qu’il se pose, trouvera sans doute mal placée.

On sait peu de choses d’Azel, la planète d’origine des visiteurs, sinon qu’ils y vivent dans des châteaux. Rien ne nous est révélé du pouvoir qui leur a permis d’espionner la famille Martin et de lui faire gagner 10 millions à la loterie. Grâce à Dieu et à l’auteure, ces puissants E.T. sont bienveillants. Car Dieu est très présent dans cette histoire : d’abord à travers le “maître” des E.T. qui lègue aux Terriens un message sous forme de table de lois, permettant ainsi au narrateur d’évoquer Moïse sur le mont Sinaï. Puis, la divine présence nous est rappelée lorsque le couple extraterrestre, apprenant ce qu’est le mariage, demande à s’épouser selon la mode terrienne. Le lecteur a droit à une délicieuse description du jour des noces, selon Sophie : « C’est le plus beau jour dans la vie d’un homme et d’une femme. Cette journée-là, la femme porte une magnifique robe blanche. C’est le début d’une vie à deux. » (p. 117)

L’auteure nous a par chance épargné l’abondance de manettes et de boutons rouges que laissait entrevoir une visite au “repaire” des étrangers. Lorsque les Terriens montent à bord de la soucoupe volante, le décor devient très discret, pour ne pas dire flou, tel le brouillard lumineux qui baignait les visiteurs de Rencontre du troisième type. Cela, ajouté aux ressemblances entre Azeliens et le E.T. de Steven Spielberg, me permet d’avancer que l’auteure a de la science-fiction une connaissance surtout cinématographique – et donc partielle, limitée.

De plus, l’histoire se déroule dans les années 1970, ce qui laisse croire qu’il s’agit d’une œuvre déjà ancienne, retravaillée par l’auteure. Peut-être même trop travaillée, car il s’y glisse une incohérence de taille : le narrateur conclut son roman en promettant à son épouse de ne laisser « personne s’immiscer dans [leur] vie privée » (p. 247), alors qu’il a entamé le récit de son histoire en annonçant qu’il l’écrivait à la demande d’un important producteur de cinéma.

Je n’aime pas étriller les débutants, c’est donc à l’éditeur que je reproche d’avoir publié cette chose, rendant ainsi un bien mauvais service à l’auteure dans la poursuite de sa carrière. [FP]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 117-120.

Références

  • Cloutier, Georges Henri, Solaris 80, p. 26.
  • Laurin, Michel, Nos livres, juin 1988, p. 36.