À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Michel Levac et sa femme Roselle se rendent sur la planète Biniki, réputée pour ses richesses minérales et son haut niveau de vie, pour réaliser un coup d’éclat. Ils peuvent compter sur la complicité d’un autre couple déjà sur place, les Bernard, pour dérober des bijoux d’une grande valeur grâce à un procédé de « téléportage ». Les voleurs réussissent à confondre le S.O.C. (Service d’ordre civil) au cours de leurs premières rapines mais la perspicacité de Gerald Taylor, officier du S.O.C., triomphe à la fin malgré ses sentiments pour Roselle Levac.
Commentaires
On pourrait crier à la fausse représentation et on n’aurait pas tort : le titre n’a pas vraiment de rapport avec l’histoire puisqu’il ne s’agit absolument pas d’une projection des relations amoureuses en l’an 2000. Il est plutôt dicté par des impératifs commerciaux qui ont à voir avec la série dans laquelle cet épisode, fermé et complet en soi, s’insère : Aventures amoureuses.
En fait, « Les Amours de l’an 2000 » est composé un tiers de science-fiction, un tiers d’enquête policière et un tiers de romance. Il y a beaucoup de naïveté dans ce texte, cela va de soi, et des invraisemblances à la tonne. Si la description de la planète, minimaliste, applique un léger vernis d’altérité au récit, la technique révolutionnaire du « téléportage » qu’utilisent les deux personnages féminins est bien peu crédible. Pour fonctionner, il faut que les deux femmes soient synchronisées à la seconde près pour se substituer l’une à l’autre.
Par ailleurs, comment se fait-il que les systèmes de surveillance de la planète n’ont pas intercepté le petit vaisseau piloté par Robert Duval la première fois, quand il s’est posé dans un secteur désert ? Ce qui déçoit le plus, cependant, c’est le but du plan imaginé par Michel Levac : le vol de bijoux et de petits objets rares. Une vulgaire affaire de vol !
On peut se montrer complaisant en ce qui concerne la vraisemblance de l’histoire mais pas en ce qui a trait à l’écriture. Maladroite, lourdaude et confuse, elle multiplie les tournures fautives ou bancales : « Levant la vue » (p. 2), « Ainsi, si Lenoir couche avec la femme de Leblanc, il ne hurle pas que nous enfreignons sur la vie privée des gens quand nous le surprenons. » (p. 21). Et que penser de cette allusion à la grande littérature française dans un fascicule de littérature populaire : « Je vais porter des vêtements qui donneront aux gens l’impression que la Nana de Émile Zola est une couventine comparée à moi. » (p. 6) ? Je doute que Zola ait été connu des lecteurs de Jean Denis.
L’éditeur a sa grande part de responsabilité dans ce travail bâclé, de nombreuses coquilles et fautes nous incitant à croire qu’il n’y a pas eu correction d’épreuves. Ainsi, la ville où sont descendus les deux couples se nomme d’abord Ramour, puis Ramanor pour toute la durée subséquente de l’épisode. Je ne peux m’empêcher de penser que le premier nom était plus approprié dans la perspective d’une allusion au titre de l’épisode et de la série, tout comme il n’est peut-être pas innocent que le nom de la planète Biniki évoque « bikini ». Car si l’histoire, campée dans un décor de science-fiction, emprunte les mécanismes de l’enquête policière, c’est aussi une histoire sentimentale. Michel Levac et sa femme se sont mariés pour des raisons d’affaires mais ils ne s’aiment pas. L’amour triomphe à la fin quand Gerald Taylor, l’officier du S.O.C., propose à Roselle de l’épouser, leur sentiment l’un pour l’autre étant réciproque.
Or l’aspect sentimental du récit est probablement ce qui est le plus révélateur de l’époque en matière de mœurs et de relations hommes-femmes. Levac affiche sans honte sa misogynie à l’égard de sa femme : « Vas [sic] te poudrer le nez et laisse nous bavarder entre hommes. » (p. 20). Mais Levac serait-il un homosexuel refoulé ? Il confie plus tôt à Roselle : « Je n’ai jamais aimé une femme et je n’en aimerai jamais une. » (p. 6). La finale comporte aussi sa petite audace car la proposition de Taylor suppose au préalable que Roselle divorce de Michel Levac. C’est peut-être cela les amours de l’an 2000 ! [CJ]