À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Alors qu’il mouille un vendredi soir dans une anse étroite et profonde, Thomas, l’engagé du narrateur, réveille son patron par ses cris : il a vu un homme tout blanc qui marchait dans l’eau. Le lendemain, ils découvrent à plus de vingt-cinq pieds au-dessus des plus hautes mers, sur un entablement de la falaise, une barque en ruines.
Plus tard, des pêcheurs leur expliqueront qu’ils ont couché dans l’anse du Trépassé, nommée ainsi parce qu’un homme s’y est noyé. Depuis lors, il répète tous les vendredis ces paroles : « Jette-moi la haussière. » C’est ce qu’avait fait Johnny, un beau jour, pour ne plus l’entendre, et son embarcation avait aussitôt été transportée sur l’entablement.
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Commentaires
Composé de neuf courts chapitres, le texte de Puyjalon se veut le récit d’une aventure qui lui serait arrivée alors qu’il revenait d’un voyage de quatre mois en mer. Mais loin d’attaquer directement la narration de l’histoire, l’auteur pose plutôt une question au lecteur – « Croyez-vous aux fantômes ? » – afin de l’impliquer personnellement dans ce qui va suivre. Habile, il poursuit en contrant tout de suite le scepticisme que pourraient éprouver certains de ses lecteurs en mentionnant que, dans certaines circonstances, même les plus rationnels peuvent retrouver la naïveté des jeunes enfants.
Poursuivant sa « mise en condition » dans le second bloc, l’auteur évoque cette fois l’endroit où se déroulera l’événement, une anse qu’il croisera peut-être de nouveau puisqu’il reprend dans une semaine le chemin du Labrador mais où il supplie le lecteur de ne pas s’arrêter si jamais l’envie lui prend de suivre ses traces. Ensuite, et de belle façon, il enchaîne avec la légende du marin qui s’est noyé dans les eaux profondes de l’anse.
Une fois ces prémisses posées, la table est mise et Puyjalon étendra l’histoire proprement dite sur les quatre blocs suivants – la « vision » de Thomas, le scepticisme du narrateur, la « vision commune » du bateau soulevé, puis la confirmation de Thomas sur sa première vision.
Enfin, les deux derniers blocs serviront à l’auteur à clore définitivement son récit. Ce sera d’abord l’explication « externe », c’est-à-dire fournie par une tierce personne, en l’occurrence les pêcheurs du poste où ils passent la nuit suivante, puis l’acceptation, c’est-à-dire la suspension définitive du scepticisme du narrateur puisqu’il ne peut y avoir une autre explication rationnelle.
On l’aura compris, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire et relire ce texte d’Henry de Puyjalon. Grâce à un style simple qui fait fi de toutes enluminures, « L’Anse du Trépassé » montre comment une structure narrative qui, de prime abord, peut sembler superficielle, réussit à susciter l’intérêt du lecteur envers un sujet qui, avouons-le, apparaît bien mince. Mais n’est-ce pas justement là l’art ultime du conteur que de magnifier ainsi la réalité et de rendre crédible et vraisemblable l’impossible, voire le surnaturel ? [JPw]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 165-167.