À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Antioche et Joséphine restent dans un Blockaus de la Cité de glace, non loin de Zibouzouk. Elle, elle parle toujours ; lui, reste silencieux. Ils ont loué un chalet sur le bord du lac Frost. Tandis que Joséphine s’habitue au nouveau décor, Antioche s’est assis sur la galerie dans une chaise berçante, fixant le lac. Pendant qu’elle se baigne, un poulpe gris traverse son champ de vision. Une nuit, elle entend Antioche plonger dans le lac. Le lendemain, dans sa chaise, Antioche n’est plus le même. Sa peau montre des plaques de petits boutons bleus. C’est maintenant Joséphine qui est sur la chaise berçante. À côté d’elle, Antioche, le visage couvert par un poulpe. Sur le quai, en face, ça grouille. Joséphine attend.
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Commentaires
Anne-Laure Farlane a gagné le volet prose du Concours littéraire Humanitas 87 avec ce court texte. Disons-le tout de suite, ce prix est tout à fait mérité car « Antioche » est écrit de main de maître. Il est d’ailleurs à noter que, des deux textes primés à ce concours, l’un appartient à la science-fiction – il s’agit bien sûr d’« Antioche » – et l’autre au fantastique – « En prime avec ce coffret ! » de Stanley Péan.
Esquissant à l’aide d’une multitude de petits détails un singulier monde futur, Anne-Laure Farlane surprend par l’étrangeté de son imaginaire et, surtout, sa cohérence. À ce décor remarquable, elle greffe une histoire mystérieuse qui dégage, dès les premières lignes, une atmosphère d’angoisse retenue. Qui sont ces gens ? Pourquoi agissent-ils ainsi ? Quelle est la relation d’Antioche avec ces étranges poulpes gris ? Et que sont véritablement ces derniers ? Des mutants ? À la lecture, on se prend à penser à l’écriture élusive de Bertrand Bergeron ou encore aux courtes nouvelles en forme de tableaux inachevés de Gene Wolfe.
Greffés à cette trame première, d’autres détails ajoutent au dépaysement. Outre ces bouffées de surréalisme que sont les Mustang-flûte, les niches pour urne ancestrale et autres ventouses Libidines, il faudrait parler de ces allusions à des pouvoirs magnétiques et aussi de cet aubergiste, Alexandre Dumas fils, et plus encore de Cyrus le vieux, qui semble savoir beaucoup de choses au sujet du couple. Mais encore là, comme pour la trajectoire principale de l’histoire, le lecteur se butte à une fin de non-recevoir ; les pistes, si prometteuses au départ, s’amenuisent rapidement, se terminant invariablement sur d’angoissants points de suspension.
« Antioche » n’est donc qu’une immense interrogation à laquelle l’auteure se garde bien de répondre. Mais cette interrogation est posée d’une si belle façon qu’on ne regrette pas une seule seconde la réponse : elle ne pourrait que gâcher la question.
L’une des nouvelles de SF les plus marquantes de l’année, selon moi. [JPw]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 84-85.