À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
L’archéologue Linda Genest-Lemoyne se voit confier par son patron, Érasme Bular, la mission de se rendre dans la mer des Caraïbes pour procéder à l’examen du contenu d’un trésor découvert à bord d’un galion espagnol qui a coulé au large de la Jamaïque à la fin du XVIe siècle. Les motivations réelles de Bular sont cependant loin d’être purement scientifiques. Son intention est de faire main basse sur une série d’artefacts ayant appartenu à Don Felipe Da Gozal qui avait inventé une méthode pour prédire l’avenir avec exactitude. On imagine ce que pourraient faire des personnes ambitieuses et peu scrupuleuses avec une telle science.
Linda découvre parmi les objets remontés à la surface une plaquette d’obsidienne dont se servait Da Gozal pour faire son petit Nostradamus. Comme elle éprouve désormais de la méfiance envers son patron en raison de mauvaises expériences passées, l’archéologue décide de ne pas révéler l’existence de cet objet et de le garder pour elle. Un mot sur la plaquette, Bowland, détermine la famille Lemoyne à se rendre en Angleterre dans la forêt du même nom. Alors qu’ils s’apprêtent à pique-niquer, les Lemoyne sont capturés par les hommes de main de Bular qui les jettent au fond d’un cachot, en l’occurrence un sous-sol de maison. Bular menace Linda en laissant entendre que ses sbires feront un mauvais parti à ses enfants si elle ne partage pas avec lui toutes les informations qu’elle a colligées à propos du conquistador.
Heureusement, pendant ce court interrogatoire, les autres membres de la famille en profitent pour tendre un piège à leurs ravisseurs et les Lemoyne parviennent à s’enfuir. Ils se rendent ensuite à Bowland comme ils en avaient l’intention tout d’abord sans se rendre compte qu’ils sont suivis par Bular lui-même qui a réussi à les retracer. Cependant, alors que les Lemoyne roulent sous un ciel dégagé, leur poursuivant se perd dans un mystérieux brouillard. La famille d’aventuriers parvient sans encombre à un château où les attend un dénommé George Felipe Salvador. Il est à la tête d’une société secrète fondée autrefois par Don Felipe Da Gozal dont le but est de regrouper tout le savoir humain afin de trouver des façons d’améliorer le sort de l’humanité. George Felipe offre évidemment aux Lemoyne de se joindre à eux. Les trois adultes acceptent aussitôt mais les deux jeunes héros, Stéphane et Audrey, refusent car ils se méfient de cette organisation, estimant par ailleurs qu’ils ont autre chose à vivre dans cette phase particulière de leur vie, quitte à changer d’idée plus tard. Ils retournent à Paris et pendant qu’ils déambulent sur l’esplanade du Sacré-Cœur, Don Felipe, qui était en fait présent tout au long de leurs aventures sous une autre identité, leur apparaît brièvement. Le conquistador veille sur eux car il les a choisis pour prendre un jour sa suite.
Commentaires
Toutes les énigmes semblent être résolues dans cet épisode qui est probablement le dernier de la série L’Énigme du conquistador. L’auteur se laisse néanmoins suffisamment de marge de manœuvre à la fin pour continuer la série si l’envie lui en prenait. S’agit-il là d’un souhait de ma part ? Franchement, non. Je n’ai lu qu’un seul autre roman de ce cycle, L’Île du Serpent de la Terre, et je me vois dans l’obligation d’adresser à L’Antre des veilleurs les mêmes reproches que j’aurais faits à L’Île… si j’en avais fait la critique. Tous les éléments d’un bon roman d’aventures sont présents mais de façon terriblement convenue, sans même que cela soit épicé d’un peu de dynamisme et d’excitation. Plusieurs scènes ont un potentiel élevé de suspense mais celui-ci ne se concrétise jamais, d’où une certaine banalité qui émane de l’ensemble. J’ai vraiment eu l’impression que Marillac se censurait volontairement, peut-être pour éviter d’effaroucher son jeune lecteur avec des situations trop explosives. Quand il connaît son sujet – lorsqu’il évoque certaines technologies de pointe par exemple –, il se fend de quelques précisions significatives, autrement il ne paraît pas vouloir se donner la peine de dépasser une certaine facilité. Ce sentiment se renforce à la lecture des scènes d’action qui suivent le kidnapping des Lemoyne et qui consistent assez traditionnellement en combats corps à corps contre leurs kidnappeurs ainsi qu’en une fuite éventuelle du sous-sol où les héros sont emprisonnés. Ces « périlleuses aventures » sont d’une facture assez primaire, elles auraient pu être imaginées par un préadolescent de onze ans qui s’essaie à l’écriture de son premier roman d’action.
La plupart des péripéties tombent donc à plat, mais encore faut-il qu’il se passe quelque chose ! Nous avons par exemple un navire (avec trésor, évidemment) échoué au fond de la mer. Classique. Dans ce genre d’intrigue, le lecteur est normalement en droit de s’attendre à quelques rebondissements, que les protagonistes soient, par exemple, attaqués par des pirates ou trahis par un des membres de l’équipage qui serait à la solde de Bular. Pas de ça avec Marillac. On demeure dans la sagesse… et l’ennui. D’abord, les jeunes héros n’accompagnent pas l’équipage du sous-marin ultramoderne car, bien sûr, seuls des professionnels peuvent y monter (ou plus exactement y descendre). Henri Vernes, lui, ne s’embarrassait guère de ce genre de concession au réalisme dans Opération Atlantide. Ensuite, le sous-marin remonte le trésor et c’est tout. IL NE S’EST RIEN PASSÉ ! À part le fait, bien sûr, que l’on trouve un autre objet ayant appartenu au conquistador du titre, Don Felipe. C’est étrange d’ailleurs car, au début du roman, Patrick Lemoyne pilote un avion de pointe, un eckranoplane, après seulement quelques jours de pratique. On repassera pour la vraisemblance.
Il faut cependant admettre que dans sa volonté de mettre en scène des technologies de pointe, il y a du Clive Cussler chez Marillac. L’os, c’est que ses personnages ne font pas grand-chose avec ces merveilleux gadgets. Ils se déplacent plus rapidement, vont plus loin ou plus profondément comme Mike Mercury dans la série Supercar mais ils auraient aussi bien pu prendre l’avion comme tout le monde que l’intrigue n’aurait été en rien modifiée. L’exotisme technologique de Marillac est passablement gratuit. Il crée aussi des personnages qui n’ont guère d’utilité, comme le pilote slave de l’appareil volant susmentionné, présenté par l’auteur de manière sympathique, donnant du même coup l’impression qu’il prendrait davantage part à l’intrigue, mais il ne sert en fin de compte que de chauffeur de taxi transatlantique. Même chose pour Harry, un Jamaïcain qui amorce une romance avec Audrey et que l’on aperçoit dans une ou deux scènes brèves.
On ne peut s’empêcher de humer dans ces deux cas un fumet de rectitude politique : la présence du pilote d’origine slave pour nous montrer que désormais les citoyens du plus ou moins défunt Bloc soviétique sont nos amis, et le début d’idylle avec un Jamaïcain pour nous convaincre qu’une relation amoureuse interraciale est une bonne chose. Bien sûr, on ne peut pas être contre la vertu et la tarte aux pommes mais le fait de créer des personnages dans une intention éthique sans leur donner la possibilité d’exister pour eux-mêmes ne produit pas de la très bonne littérature. Mais au fond, l’auteur reste conséquent car même les protagonistes principaux manquent de profondeur. Ils sont tellement parfaits, tellement superficiels malgré une tentative de l’auteur de leur donner une psychologie en évoquant leurs amours abrégés et les décisions à prendre concernant leur avenir.
Malheureusement, ces thèmes sont abordés de manière ampoulée, comme si Marillac ne se sentait pas à l’aise dans ce genre de questionnement. Les dialogues sont très courts, oiseux, maladroits et inintéressants en ce sens qu’ils ne font avancer l’histoire d’aucune façon car les personnages n’ont rien de significatif à se dire. Les vertus des héros sont quant à elles communes à tous les aventuriers de romans d’aventures sérielles : le courage, la compétence et l’intelligence. Par contre, Françoise et les Lemoyne souffrent d’un manque cruel de traits frappants qui permettraient de les distinguer les uns des autres. Sans parler du « méchant », Bular, qui a l’air d’un enfant de chœur pour un lecteur comme moi qui a connu la belle époque de l’Ombre Jaune et de Fantômas.
La conclusion, pourtant, sans être d’une profonde originalité, n’est pas si mal. Les héros découvrent une société secrète qui a pour but d’amasser des connaissances utiles au développement de l’humanité. Sur ce point, on peut dire que cette intrigue est atteinte de ce que j’appelle le syndrome d’Unipax, avec la différence cependant qu’Audrey et Stéphane refusent de se joindre à l’organisation, doutant de la sincérité de ses objectifs. L’Antre des veilleurs se démarque donc un peu des autres romans du même type. Il y a aussi ce personnage, Don Felipe, qui a inventé une méthode exacte pour prévoir l’avenir, sorte de psycho-histoire avant l’heure. Il mène donc les personnages par le bout du nez depuis le début. De plus, il se déplace dans le temps et fait une apparition inattendue à la fin. On apprend du même coup qu’il était continuellement présent sous une identité secrète. Il s’agit là de bonnes idées. Si tout le roman avait maintenu ce niveau de qualité, on applaudirait la réussite de Marillac. [DJ]
- Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 110-113.
Références
- Séguin, Claire, Lurelu, vol. 24, n˚ 1, p. 35-36.