À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Django Potel, chansonnier, cégépien et orphelin, raconte sa propre histoire d’amour ravageur avec un peu de recul. « Gueule de métèque, teint basané, boucles noires, air méditerranéen », il se découvre des affinités avec la « beauté teutonne » venue l’interviewer à la suite de son premier prix remporté dans le cadre d’un concours lancé par l’Underground, seule boîte de la région saguenéenne. La suave Valérie (alias Val), une blonde aux yeux bleus qui fait tourner les têtes et les cœurs, représente le journal étudiant de l’institution qu’ils fréquentent tous les deux.
L’entretien déborde le cadre journalistique et Django tombe sous le charme de la vamp et en devient amoureux. Ils constatent qu’ils ont des points communs : familles d’accueil, enfances perturbées, origines plus ou moins obscures, ne viennent pas du Saguenay, aiment les mêmes poètes, la même cuisine, les mêmes pâtisseries. Ils ont même une tache de naissance presque identique, bleuâtre, en forme de croissant de lune qui se modifie. Bref, ils seraient faits l’un pour l’autre, si ce n’est que la walkyrie s’entiche moins longtemps du chanteur.
Elle poursuit par ailleurs une formation personnelle avec Roger Lupin, un avocat au comportement étrange que Django tient pour un rival. Le jeune homme n’arrive pas à faire le deuil de sa liaison avec Valérie. Son amitié pour Étienne Lemelin, le fils de sa logeuse, et Philippe (Phil) Berger, son professeur d’anglais et mentor, ne dissipe guère sa morosité.
Parallèlement à cette intrigue sentimentale, les corps policiers du Canada et des États-Unis sont confrontés, depuis environ un an, à une série de disparitions mystérieuses. Ils ont retrouvé les peaux ensanglantées mais aucune trace des squelettes d’une centaine de jeunes gens portés disparus. Les forces de l’ordre n’écartent pas l’hypothèse que ces crimes puissent être l’œuvre d’une secte d’illuminés.
C’est en regardant les nouvelles télévisées avec son ami Phil que Django reconnaît l’une des victimes, un jeune « Jeannois disparu au début de l’automne ». Il craint le pire pour sa Val qu’il veut sauver des griffes de l’avocat Lupin qu’il soupçonne de tremper dans cette série meurtrière. Entraînant son maître dans l’aventure, il se pointe sur les lieux du cérémonial que Lupin officie et il assiste, impuissant, à la décorporation de son ancienne amie. Philippe Berger, son confident, le traître, le retient… et l’invite à sortir de lui. Il apprend alors qu’il est de la même race que Valérie, Lupin et Berger, sa tache de naissance bleue devenue pleine lune témoignant de cette parentèle.
Commentaires
Ce roman jeunesse tardive (14-17 ans) « s’inspire librement de la chanson L’appel des loups écrite par mon amie auteure-compositeure-interprète Chistiane Raby », nous confie Stanley Péan dans une note finale où l’on trouve également le texte du refrain. En plus du titre, Péan emprunte au texte chanté des passages qui chapeautent ses dix chapitres et son épilogue, constate-t-on.
Techniquement, les premières pages du roman de Péan mettent en place le cadre fantastique en établissant le conflit amoureux Django-Valérie. Les taches de naissance croissantes sont rapidement évoquées, le narrateur est appelé à sortir de lui à quelques reprises, les frissons ne lui manquent pas et beaucoup d’éléments de l’intrigue se déroulent en situation nocturne. De plus, les peaux décarcassées des disparus font la manchette et attirent l’attention du personnage principal. Valérie, la convoitée, se définit même comme une « Grande et Méchante Louve ».
En écho, au chapitre 5, la chanteuse Christiane Raby interprète la chanson éponyme avec son groupe la Bande Magnétik – effet de réel bien intégré – dans une boîte de Montréal où Lupin a entraîné sa disciple Valérie et le soûlographe et malheureux Django. Les hurlements, doit-on le préciser, reprendront dans les ultimes chapitres. Il ne faut pas oublier les rêves répétitifs, obsessionnels et prémonitoires du chansonnier-poète qui constituent une clé d’interprétation des origines de Potel lui-même. En somme, tout est là pour l’aspect fantastique.
En fait, le récit mené par Potel – en dépit du vocabulaire, de l’atmosphère entretenue, des coïncidences trop particulières, de l’étrangeté étudiée de certains personnages – s’articule un long moment dans un milieu réaliste et contemporain et débouche sur une répétition à peine allégorique des morts associées aux sectes. D’ailleurs, Péan, à travers son narrateur et son intrigue, rappelle le drame de l’Ordre du Temple solaire (OTS), ce qui reste, prosaïquement, pour le commun des mécréants, un suicide collectif et non un transit quelconque vers d’autres niveaux de vie ou de conscience. Tout est question de perception.
Le personnage principal, Django, restera humain mais il modifiera son jugement sur les crimes présumément commis par Lupin et ses acolytes lorsque Valérie, libérée de sa chrysalide corporelle, dans sa nouvelle forme de vie, l’enrobera de sa chaleur lumineuse et de son énergie amoureuse. « Le temps émousse bien des rancœurs », épiloguera-t-il, assagi.
Stanley Péan, avec L’Appel des loups, donne une dimension particulière à une variété de personnages issus de notre tradition du fantastique surnaturel : les feux follets. Les âmes damnées du XIXe siècle, désacralisées, sont converties en lueurs bleues. Cette race doit désormais se mêler aux humains à cause de problèmes de pollution qui l’affectent, explique-t-on sommairement. On aurait aimé en savoir davantage sur ces mutants qui laissent traîner leurs peaux si peu discrètement et excitent ainsi les enquêteurs des forces policières. [GHC]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 134-136.
Prix et mentions
Prix littéraire du CRSBP du Saguenay–Lac-Saint-Jean 1997
Références
- Cayouette, Pierre, Le Devoir, 05/06-04-1997, p. D 6.
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 15/16-03-1997, p. D 8.
- Doré, Jean, Lurelu, vol. 20, n˚ 2, p. 30.
- Malavoy-Racine, Tristan, Voir (Québec), 06/12-03-1997, p. 29.