À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Maang, un Terrien engagé dans la résistance contre l’hégémonie des Suprémates, est projeté dans une boucle temporelle qui l’amène au cœur d’un immense vaisseau spatial. Il est recueilli par des humains qui ont caché aux autres espèces qui cohabitent avec eux dans l’Arche leur allégeance aux Suprémates. Ils projettent de retourner Maang dans le passé en programmant sa stellanef de façon à ce qu’elle aboutisse dans un système contrôlé par les Suprémates et qu’elle leur fournisse des renseignements sur la technologie du futur. Avec l’aide de l’ordinateur de son vaisseau, Maang réussit à contrecarrer le plan des humains de l’Arche.
Commentaires
« L’Arche de tous les temps » fait partie d’un cycle que l’on pourrait appeler « la diaspora des humains dans l’univers » ou encore « la Volkswanderung » et qui compte notamment « Le Choix du lion », « Le Festin des chacals », « Nova Stella » et « Scorpion dans le cercle du temps ». Jean-Louis Trudel brosse patiemment, au moyen de petits tableaux autonomes, une vaste histoire des pérégrinations de la race humaine dans l’espace dans un futur très éloigné (autour du 11e millénaire dans le cas présent).
L’univers hard SF de Trudel peut déconcerter. Au début, je me suis surpris à calculer la circonférence de l’Arche en forme d’anneau. Si le rayon fait 2 000 kilomètres, la circonférence mesure… Erreur ! Il suffit de savoir que le vaisseau est immense, qu’il supporte quatre villes qui font chacune quatre kilomètres de hauteur et vingt kilomètres de longueur ! On peut donc faire abstraction des théories astrophysiques avancées par l’auteur et apprécier malgré tout le récit qu’il nous propose. Mais il faut piger que l’Arche et l’Anneau désignent une seule et même chose.
Le début de la nouvelle est certes ardu mais les explications sur la Première Volkswanderung, sur les ambitions des Suprémates, sur les colons du Vatican, sur la nature de l’Arche font en sorte que les morceaux du puzzle s’assemblent et qu’on comprend petit à petit les enjeux de la capture de Maang, un Terrien qui s’oppose aux visées hégémoniques des Suprémates et qui tente de faire échec à leur volonté d’assujettir les autres races à leur mode de pensée.
Le plus difficile à concevoir, c’est la notion du temps qui apparaît élastique. On peut se retrouver tout à coup 10 000 ans dans le futur. Pour ma part, j’arrive encore mal à imaginer la chose mais qu’importe ! Le texte d’introduction qui vise à vulgariser cette notion de l’espace-temps, plus poétique que scientifique, ne m’éclaire guère. Tout le monde n’a pas un diplôme en astronomie et en physique !
La nouvelle de Trudel intègre beaucoup de technologies futuristes : combien sortent de l’imagination de l’auteur ? Comme le souligne Jean-Claude Dunyach dans la préface de l’anthologie Escales 2000, les écrivains de SF partagent une fiction collective. Quoi qu’il en soit – et au risque de passer pour un inculte –, les nanomachines incorporées dans le corps de Maang, les implants, la Mentalité avec laquelle Maang communique sont pour moi des nouveautés.
« L’Arche de tous les temps » est une nouvelle ambitieuse. Trudel a fait un réel effort pour créer cet univers futuriste : mots nouveaux (stellanef, Mentalité), mots techniques (gluons, hadrons, quarks, transuraniens, isotopes), langue inventée (celle de Maang), utilisation d’un pronom personnel (Ille) qui désigne les deux sexes (pour l’androgyne humain Avishai Dekel). Trudel livre aussi une bonne description de quelques espèces exotiques (les Rationalistes, les Aborigènes, les Esnémarades) et de leur conception de l’Univers. En outre, la psychologie des personnages, particulièrement celle de Maang, est bien rendue mais fait surtout appel à des sentiments forts et extrêmes. Enfin, la dimension biblique n’est pas absente de ce texte. Le nom du vaisseau fait référence à l’Arche de Noé puisque dix-sept espèces (dont une comptant un seul survivant) y ont trouvé refuge pour échapper au joug des Suprémates.
Le lecteur a la chance ici d’assister à un work in process en SF. Il ne faut pas la rater. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 168-169.