À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Face au problème aigu d’un chômage toujours croissant en raison de l’automatisation, le gouvernement a inventé le phénomène des travailleurs migrants. Chaque ville possède son groupe de travailleurs qui parcourt le globe en autobus à la recherche d’un emploi. Barcelone, Lindsay, Polynésie… Autant de lieux utopiques de travail, autant de déceptions. Le héros prend peu à peu conscience des rouages économiques et sociaux de ce système où « …les maîtres de l’univers [ne sont] que des jouets, comme vous et moi ».
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Commentaires
Victor Frigerio publie, avec « Au bout de la rue », son premier texte de science-fiction. Débuts prometteurs : l’auteur manie avec efficacité une structure formelle fragmentée, soutenue par une écriture intelligente. Le bout de la rue, c’est tout d’abord l’extrémité de la rue principale de Lindsay, dominée par une manufacture de jouets : The Masters of the Universe here. C’est aussi, et surtout, le cul-de-sac où semble s’écraser le car dans lequel vit le héros, la faillite totale d’un système socio-économique insensé. Les travailleurs potentiels entrent dans le car dès leur première année d’existence pour n’en sortir qu’à la retraite, aussi désemparés. Le bout de la rue, c’est le cul-de-sac d’une vie inutile.
Frigerio a utilisé des lieux communs dominants de notre société post-industrielle : chômage galopant, internationalisation de l’économie, dislocation de la famille, inquiétude écologique, solitude de l’âge d’or… Cette manipulation de topiques récurrents se fait par la réactivation de ce phénomène vieux comme le monde : la migration des travailleurs. Son traitement, dans la nouvelle, est original. Heureusement d’ailleurs, car le texte contient des failles logiques qui ressortent clairement à la lecture. On conçoit difficilement, par exemple, que l’on place un enfant en bas âge dans le car des travailleurs. En outre, il aurait fallu tenir compte de la civilisation des loisirs, autre phénomène contemporain.
La structure narrative est effectivement pertinente. Le récit épouse la forme du journal/mémoires qui traduit bien le regard du héros sur la société. La nouvelle est constituée essentiellement d’un court épisode de vie et des réflexions du personnage. Réflexion nécessairement fragmentée : le héros est victime de ce système de jouets. Cette structure en pointillé évite par ailleurs à l’auteur des développements que supporterait difficilement cette courte nouvelle. Une ombre au tableau : la conclusion abrupte jure un peu avec le reste du texte.
« Au bout de la rue » : une nouvelle assez intéressante, d’un auteur à suivre. [SB]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 68.