À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Trois hommes morts depuis cent ans sont réveillés par le cri d’un hibou au moment où commence un nouveau siècle. L’un est un soldat, l’autre un ouvrier et le troisième est un paysan. Ils se mettent en route, qui dans le but de regagner son champ de bataille, qui en quête de son atelier, qui à la recherche de sa ferme. Les trois revenants découvrent un monde rendu méconnaissable par le progrès. Seul le respect du culte religieux n’a pas changé. Fatigués et désabusés par ce qu’ils ont vu, ils retournent à leur sommeil éternel.
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Commentaires
« L’Auberge de la mort » de Gaston-P. Labat est un texte hybride qui, au-delà de son parti pris réactionnaire, suscite un certain intérêt. En effet, si le point de départ est fantastique (les trois morts s’éveillent par enchantement et se promènent dans le monde), le reste appartient davantage à ce qu’on pourrait appeler l’anticipation. Oh ! la vision futuriste de l’auteur est encore très sommaire mais le monde que scrutent les trois revenants correspondrait plus aux années 1915-1920 qu’à l’époque de la parution du texte, soit en 1899.
Quelques détails donnent à cette évocation d’un monde mécanisé transformé par le soi-disant progrès un petit côté visionnaire. L’ouvrier voit des usines immenses et « des voitures roulant sans chevaux ». Le soldat est stupéfié à la vue d’« engins de guerre formidables » qui ne manquent pas de nous faire penser aux images de la Première Guerre mondiale. On est en droit ici de parler, je crois, de proto-SF.
Toutefois, l’anticipation de Labat ne va pas aussi loin que celle de Massicotte qui redessine la carte géopolitique de l’Amérique du Nord dans « Les Idées du père Antoine sur l’avenir du Canada ». Ce texte, qui ne quitte jamais le champ théorique de l’essai, aurait pu devenir notre premier récit de politique-fiction si l’auteur avait actualisé ses théories en utilisant ce cadre prospectif pour y situer une histoire quelconque.
Évidemment, le propos de « L’Auberge de la mort » est de dénoncer le progrès industriel qui réduit l’humanité à un nouvel esclavage, celui de la machine. Des phrases comme « Ces gens-là avaient l’air de machines, tant il est vrai que la machine rend l’homme machine » rejoignent pour moi les images saisissantes du film de Fritz Lang, Metropolis.
Le seul élément positif qui ressort de cette vision du XXe siècle, selon l’auteur, est la survivance de la foi catholique mesurable à la pratique de la religion. Sous ce rapport, Labat rejoint les idées de Jules-Paul Tardivel qui venait de publier, quatre ans plus tôt, son roman Pour la patrie. La religion catholique et la langue française constituaient les deux fondements de la société utopique de Tardivel tandis que Labat ne mentionne en aucun temps la question de la langue. Il ne semble pas partager son inquiétude sur ce point.
« L’Auberge de la mort » tient donc un discours social très affirmé tout en proposant une vision eschatologique qui se nourrit de la tradition millénariste. À ce titre, ce texte peut être précieux pour l’histoire des idées et, à un certain degré, pour éclairer l’étude des origines de la SF québécoise car s’y dessine déjà la peur de la modernité scientifique attisée par le courant ultramontain. [CJ]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 104-105.