À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Devant la crainte grandissante d’une rupture de l’équilibre de la terreur, les quatre puissances mondiales décident de pactiser et d’assurer la survie matérielle et spirituelle de l’homme. Aussi, à l’ordinateur de septième génération est branché un cerveau humain ; il lui est demandé de chercher l’oméga de l’évolution humaine. On s’aperçoit bientôt que le quotidien, puis le bon fonctionnement de la planète sont ébranlés par le travail de ce Babel bionique. Des mythes se créent ; les savants glosent. L’ordinateur va finalement révéler à l’espèce le savoir primordial : le Verbe était et est Dieu, Dieu-Ordinateur bionique. L’existence et la création de Dieu, c’est la lumière ; la lumière d’une bombe atomique met fin au récit et à l’humanité.
Commentaires
« Babel bionique » se présente comme une fable du futur à vague réminiscence de politique-fiction. Michel De Celles joue avec deux menaces contemporaines – presque des clichés : la peur de la catastrophe planétaire causée par l’échec de la politique de dissuasion et l’omnipotence grandissante des systèmes informatiques.
Omnipotence n’est pas ici un terme gratuit ; ce terme de théologie renvoie à l’isotopie principale du texte et au titre lui-même. Babel rappelle en effet un épisode de l’Ancien Testament. Tissé d’espoir, le mythe de la Tour de Babel souligne l’effort pour transcender l’incommunicabilité des hommes. Mais il est aussi terriblement précaire et ne résistera pas à l’échec.
Dès le départ, l’auteur nous propose les conditions de lisibilité du texte. Il nous convie à une lecture théologique et mythologique (dans ce lieu intérieur où religion et mythe se rencontrent). De plus, il refuse au lecteur tout espoir de survie humaine basée à la fois sur la technologie et la philosophie.
Le texte repose donc sur un discours théologique. Tout y est : l’origine de l’ordinateur humain puisée dans l’inconscient collectif, la construction philosophique basée sur des éléments clés de la pensée de Teilhard de Chardin (point Oméga). Le style même de la nouvelle de M. De Celles adopte quelque peu le ton du mythe, combiné à celui d’une fable apocalyptique. L’auteur utilise merveilleusement les nuances de l’imparfait et du présent et y adjoint un vocabulaire soigné. Toute la nouvelle prend sa valeur dans cette écriture recherchée, à la limite du mythe et de la poésie.
L’élément religieux devient ici source poétique et élan créateur, puisque le mouvement de l’intrigue resserre le vocabulaire spécialisé : temple, exégèse, apôtres, verset, etc. L’Oméga de l’humanité plonge (pour faire un oxymo- ron !) dans la Bible. Mais la fable de l’ordinateur-Dieu n’est pas dénuée d’humour de la part de l’auteur. Malgré le pessimisme de la fin, on s’amuse du discours théorique tenu par les chercheurs sur l’ordinateur.
Poésie et mythe, variation sur un thème connu : voilà ce que nous offre Michel De Celles avec « Babel bionique ». Une nouvelle d’honnête facture. [SB]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 48-49.