À propos de cette édition

Éditeur
Les Compagnons à temps perdu
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 82
Pagination
35-39
Lieu
Hull
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Marvin, un policier de la section chargée de veiller sur la sécurité des vieillards, se rend chez Bellamy au cours de sa ronde quotidienne. Aucune réponse. Inquiet, il cherche le concierge de l’immeuble et le découvre en compagnie d’une femme en train de faire un strip-tease. Marvin se fait conduire à l’appartement de Bellamy qu’il trouve assassiné.

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Commentaires

Quelle nouvelle extraordinaire ! « Bellamy, par exemple » aborde un problème actuel et qui deviendra de plus en plus préoccupant dans une vingtaine d’années : le vieillissement de la population et le fardeau financier qui reposera sur les épaules des jeunes afin de faire vivre cette tranche de population devenue majoritaire.

Bertrand Bergeron a écrit un texte dont l’émotion nous saisit à la gorge car on sent que l’auteur respecte les vieillards. Il ne considère pas les vieux comme des parasites sociaux. Ils ont donné leur vie à des entreprises et ont payé leur tribut au système économique en acceptant d’en être des rouages essentiels. Bergeron ne peut que rendre hommage aux aînés et leur témoi­gner une marque de reconnaissance.

La nouvelle emprunte son atmosphère au roman de série noire tout en se déroulant sur un fond de science-fiction toujours subtilement suggéré. Ce mariage parfaitement réussi des deux genres est rendu possible par le personnage principal, Marvin, qui rappelle les détectives privés américains, notamment Philip Marlowe, le héros célèbre de Raymond Chandler. Comme eux, il est un peu désabusé et cynique et il affecte l’indifférence (« On me paye, ça me suffit. ») mais au fond, il lui reste un peu d’idéalisme qui lui interdit de jouer le jeu des autorités politiques et policières.

« Bellamy, par exemple » brosse par petites touches un tableau discret d’une société qui cherche à éliminer les vieux en douce, en fermant les yeux sur les combines des compagnies d’assurances et sur le désespoir des jeunes. Puis, on découvre une autre réalité qu’on n’avait pas vraiment soupçonnée : dans cette société, les hommes et les femmes vivent dans deux mondes séparés. C’est le coup de génie de cette nouvelle qui rejoint ainsi l’univers de la nouvelle publiée dans L’ASFFQ 1987, « L’Autre ». La pré­sence de l’unique femme du récit prend alors tout son sens subversif dans les dernières lignes : « [...] il se demandait de quelle manière, ailleurs, se passent les choses. Ailleurs. Chez les femmes, par exemple. »

L’écriture, ici, est différente de celle des textes précédents. Elle est plus classique, plus proche de la littérature policière mais on reconnaît la griffe inimitable de l’auteur dans ces phrases tronquées, dont le développement est sous-entendu et laissé à l’imagination du lecteur. Il y a aussi beaucoup de dialogues, ce qui est inhabituel chez Bergeron.

Bertrand Bergeron est un auteur qui excelle à faire passer les émotions avec une économie de moyens remarquable. Il est sans doute le meilleur de la SFQ dans ce domaine. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 29-30.