À propos de cette édition

Éditeur
Triptyque
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Moebius 63
Pagination
87-92
Lieu
Montréal
Année de parution
1995
Support
Papier

Résumé/Sommaire

C’est à la lecture d’Escalier C, d’Elvire Murail, qu’a commencé le cauchemar du narrateur. Page 57, il remarque une note manuscrite : « On se reverra. » Puis, dernière page : « Tu ne m’échapperas pas », écrit de la même main anonyme. Huit jours plus tard, dans Les Adieux, de Dan Franck : « Comme on se retrouve ! » Désormais, notre homme ne peut emprunter un livre sans y trouver un mot de plus en plus menaçant qui lui est à l’évidence destiné…

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Commentaires

Cette brève nouvelle d’André Marois se lit comme un exercice de style, fort distrayant au demeurant, où semble se dessiner à la clé une métaphore relativement ténue. Car voilà un homme à l’existence des plus normales qui ne se connaît pas d’ennemis. Signe particulier : néant, si ce n’est son assiduité à la bibliothèque. Ses lectures sont d’un éclectisme absolu, donc totalement imprévisibles ; pourtant quelqu’un, en plus de lui en vouloir à mort, possède l’improbable faculté de deviner chacun des livres qu’il empruntera. De là à croire en la schizophrénie d’un homme dont l’état mental aurait vacillé pour cause d’excès de littérature, il n’y a qu’un pas.

Un pas d’autant plus aisé à franchir que la traque s’intensifie, jusqu’à prendre un tour quasi permanent. Le chasseur encercle sadiquement sa proie et la maintient sur le qui-vive. Outre les livres, le narrateur trouve bientôt des messages dans un CD, sur son ordinateur professionnel, sur un billet de banque plié dans sa poche… Ce « flot fielleux » finit par se déverser partout, jusque « sur le napperon de la table de restaurant où [il] déjeune avec [ses] collègues ». Oui, tout incite à croire à une menace intérieure plutôt qu’extérieure, au délire d’un homme qui aurait soudainement basculé dans la folie.

Or le narrateur a un tourmenteur bien réel, à en juger par la finale. Persistent néanmoins des zones d’ombre, inexplicables et inexpliquées, à commencer par la prescience du second quant aux choix et aux visites en bibliothèque du premier. En fait, ce tourmenteur aux mobiles jamais élucidés semble doué de divination pour tout ce qui concerne sa victime. Il en résulte un climat de malaise et d’enfermement allant crescendo que le nouvellier mâtine de distanciation : un effet dû à la voix quelque peu ironique d’un narrateur qui s’efforce de rester rationnel. Et c’est ainsi que Marois, plus généralement associé au roman noir et au polar – genres qui, du reste, hybrident fortement « Bibliothèque » – peut prétendre ici à une habile incursion dans le fantastique. [FB]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 124.