À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
90 millions d’années avant notre ère, une météorite venue d’une galaxie d’anti-matière s’écrase sur Terre. Au contact de la matière, la météorite produit des cristaux, les « frigs », aux propriétés étranges. Ces cristaux sont acheminés jusqu’à la surface par des sources thermales et se diffusent dans l’eau d’un lac. Les petits lézards qui boivent l’eau de ce lac absorbent les frigs et se mettent à muter. En quelques générations, ils ont atteint la taille de 45 mètres. Les frigs ont aussi la propriété de contrer la gravité, ce qui fait que ces lézards/dinosaures sont extrêmement légers, capables de grimper jusqu’à la cime d’un arbre pour échapper à leurs ennemis.
Les lézards deviennent toutefois la proie de prédateurs auxquels ils ne peuvent échapper : les habitants de la planète Éramis, qui viennent récolter les frigs au centre du cerveau des lézards. Éramis orbite où bon lui semble dans le système solaire. On y fait grand usage des frigs, qui sont la principale source d’énergie.
Soudain, les Éramiens entrent (sans le comprendre) dans un nouveau cycle de leur biologie : ils ressentent un besoin irrésistible de migration. Ils déplacent donc Éramis en orbite au-delà de Pluton et annulent son influence gravitationnelle. Ils mettent la Terre sur une orbite plus distante du soleil, entre Mars et Vénus, afin de la conserver au frais pour leur retour. Un immense vaisseau spatial, Simaré, a été construit pour abriter les 820 milliards d’habitants d’Éramis. Il s’y trouve assez de place pour bien plus de monde ; les Éramiennes se mettent donc à enfanter, pondant des centaines d’œufs chacune.
Après quelques dizaines de millions d’années de voyage, Simaré arrive soudainement en vue d’un nuage noir terrifiant. Les deux navigateurs, Klopaz et Voxtran, tentent de l’éviter, allant même jusqu’à outrepasser les limites de sécurité pour le changement de trajectoire. La manœuvre brusque cause des centaines de millions de morts. Hélas, en vain. Non seulement le nuage suit-il Simaré, mais encore, quand ils parviennent de justesse à l’éviter, un autre nuage se forme-t-il immédiatement. Et Simaré pénètre dans le nuage, qui émet alors un sifflement mortel : tous les Éramiens de la génération actuelle meurent par la liquéfaction de leur cerveau. Par contre, le Chef de la nation, l’équipe de navigation et les membres de la nouvelle génération sont épargnés.
Il se révèle alors que tout avait été orchestré en vue de ce résultat. La migration avait été dirigée sciemment vers le nuage par le Chef de la nation afin d’exterminer l’ancienne génération : les Éramiens étant naturellement immortels, ils ne mourraient autrement jamais pour laisser place à la nouvelle génération. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que tout ce manège a lieu. Mais cette fois-ci, Klopaz, outré, assassine le Chef de la nation. Le scientifique Vrobar prend en main la destinée des Éramiens et décide de revenir à leur point de départ.
Quand les Éramiens reviennent dans le système solaire, ils « réactivent » Éramis, laquelle émet pendant un certain temps une lueur bleutée bien visible de la Terre, et qui inquiète beaucoup les humains. Des groupes de scientifiques parviennent à observer la planète au télescope mais leurs résultats sont tenus secrets afin de ne pas provoquer la panique. Toutefois, après trois ans, la planète disparaît d’un seul coup, comme volatilisée !
Les Éramiens ont rendu leur planète invisible, et se préparent à la rapprocher de la Terre afin d’aller y récolter d’autres frigs. Ils s’attendaient à la trouver en pleine glaciation et sont étonnés de voir que ce n’est pas le cas. Klopaz et Voxtran sont désignés pour explorer la planète. Comme ils s’y attendaient, les lézards sources de frigs ont disparu ; ce n’est pas grave, les scientifiques Éramiens possèdent leur code génétique et pourront donc les cloner. Les deux navigateurs Éramiens prennent les bâtiments construits par les humains pour des cristallisations naturelles, les avions pour des oiseaux, et bien qu’ils soient conscients de la présence des hommes, il leur est évident que ces bipèdes ne sont pas intelligents. L’autorisation est donc donnée pour annuler la gravité terrestre le temps de replacer la planète sur une orbite plus commode.
La disparition immédiate de la gravité est une catastrophe effroyable pour les Terriens, dont certains plus astucieux réussiront quand même à survivre, malgré le fait que les océans flottent maintenant à 800 mètres d’altitude et que le moindre faux mouvement vous expédie inéluctablement en orbite.
Trois civils, Tom, Lénis et Peter, ont été par hasard témoins du déclenchement de la gravité zéro ; l’accès au générateur d’anti-gravité se fait par une petite île au centre du Lac des Lézards, où les trois se trouvaient à la pêche. Réfugiés dans une base militaire ultra-secrète dont Tom connaît l’emplacement, ils prennent bientôt contact avec le Président des États-Unis et le scientifique en chef de ce dernier, Sam Crudel. Crudel, qui avait étudié la mystérieuse lumière bleue d’Éramis, avait réussi à produire des frigs des années auparavant mais en avait gardé le secret pour lui-même. Grâce au témoignage des trois hommes et aux informations relayées par le USS-Montana, un sous-marin atomique s’étant malencontreusement, à cause de la gravité zéro, retrouvé dans l’espace, Crudel comprend mieux la situation. Il se révèle entre autres que les Éramiens sont plus que microscopiques : ils peuvent naviguer entre les molécules d’une plaque de métal ! Crudel élabore un matériau exotique afin de pouvoir y piéger des Éramiens.
Pour les appâter, on attaque aux missiles le générateur d’anti-gravité ; la pesanteur normale revient. Les dégâts, provoqués entre autres par la chute de millions de tonnes d’icebergs en orbite, sont terribles. Deux Éramiens arrivent bientôt pour réparer le générateur : il s’agit de Klopaz et Voxtran, lesquels seront habilement pris au piège.
Le Dr Vrobar a finalement compris entre-temps que les humains sont des êtres intelligents. Face au sabotage de leur générateur anti-g et à la mort présumée de Klopaz et Voxtran, il ordonne une contre-attaque. Un rayon bleu balaie la Terre. Le sol devient bleu et tout contact avec lui fait se volatiliser le membre impliqué. Des milliers de gens se retrouvent privés de pieds, de jambes, de mains.
Crudel travaille fébrilement afin de comprendre la nature des Éramiens et le moyen de lutter contre eux. Finalement, il parvient à greffer un code génétique sur des cristaux de frigs, lesquels se collent alors définitivement à toute forme de vie et lui imposent la gravité zéro. Le Président envoie des hommes sur Éramis (via un LEM installé au sommet d’un missile) répandre un gaz de frigs dans leurs villes. La mission réussit : la civilisation éramienne périt, mais pas avant que Vrobar n’ait déclenché la phase terminale de la contre-attaque. L’eau même de la Terre devient un genre d’acide. Les rares humains survivants meurent, sauf Lénis resté seul dans le laboratoire où l’eau est recyclée et donc inoffensive, et qui est parvenu, bien trop tard, à établir une communication avec les Éramiens prisonniers. Klopaz et Voxtran, apprenant l’extinction de leur race, s’en vont sur Éramis pour y trouver l’annihilation, mais ils rendent Lénis immortel avant de partir. Le dernier survivant du monde laisse passer les années, jusqu’au jour où un mystérieux signal se fait entendre… Suite au prochain volume, Vert de Chypre : le survivant.
Commentaires
Isaac Asimov avait tort : ce n’est pas la violence qui est le dernier refuge de l’incompétence, c’est l’auto-édition. Ce livre est d’une telle complaisance, d’une bêtise si insondable, que la raison en vacille et qu’on se demande un instant s’il ne s’agit pas plutôt d’une parodie diaboliquement habile. Mais non, ce n’est que trop sérieux, même si l’auteur multiplie les blagues douteuses, les références à lui-même (Lénis, par exemple, trompe la solitude en lisant « un bon Neil Bryand ») et les allusions à la chaîne de restaurants McDonald. Le comble est cette description de la mort du Chef de la nation, où on le compare à une tranche de fromage fondu dans un « quart-de-livre » !
Il est presque impossible de faire une critique de ce bouquin tant tout, absolument tout, est raté. Il devrait devenir la référence canonique pour ce qu’il ne faut pas faire, particulièrement en SF. Par exemple : il est légitime d’utiliser une spéculation audacieuse comme base d’un récit. Aussi est-il plus ou moins approprié de reprocher à l’auteur d’avoir fait de ses Éramiens des êtres plus petits individuellement qu’un atome – c’est une impossibilité physique absolue, mais soit, admettons. Sauf que… si un être est assez petit pour naviguer entre les molécules d’une paroi de sous-marin nucléaire, pourquoi diable peut-il avoir besoin d’élargir une veine d’un cerveau de dinosaure de 45 mètres de long pour s’y frayer un passage ? Comment expliquer que ces mêmes êtres puissent avoir besoin de respirer de l’air, quand une seule molécule d’oxygène est cent fois plus grosse qu’un Éramien ?
Ne nous attardons pas sur le manque de logique de l’intrigue, le résumé parle par lui-même. Aucune des actions des Éramiens n’a le moindre sens. Il est clair que l’idée de base de l’auteur était cette période de gravité zéro, et qu’il a construit son intrigue à l’envers. Pourquoi la gravité zéro ? Pour mieux déplacer la planète. Pourquoi la déplacer ? Euh… Les Éramiens l’avaient mise au frais. Ah booooon ! De même pour les actions des scientifiques humains, où un groupe de recherche prend six semaines avant de penser observer Éramis au télescope !
Non, non ! Soyons positifs. Rendons grâce à l’auteur d’avoir su concevoir une uchronie vraiment audacieuse. En effet, dans le monde de Neil Bryand, en 1997, la technologie informatique de pointe en est encore au DOS – l’Internet existe, mais la souris et l’interface graphique n’ont jamais été inventées –, l’astronomie est un secret d’État (absolument personne d’autre que l’armée américaine n’observe Éramis au télescope), des Américains parlent couramment le français (comme on le constate quand la petite bande de héros traverse le Québec et se moque de l’ahhhent beauceron), les animaux ont appris à parler le français eux aussi (les chauves-souris s’excusent à haute voix quand elles font peur aux gens) et les moustiques semblent être un genre de mammifères, puisqu’ils ont des petits qu’ils nourrissent au sang ainsi que des yeux qui s’exorbitent sous l’effet de la peur !
Le style de Bryand est bien sûr à l’image de son intrigue : brouillon, bancal, puéril. L’auteur remercie en page de garde sa correctrice, qui a pourtant laissé passer des fautes de français à la pelle : elle a dû employer un correcteur informatique, capable de corriger les coquilles mais pas de détecter les participes passés systématiquement mis en « -it », comme « il a réussit », ou les sottises du genre « points d’encrage » et « trompes d’eau »…
Reste donc, pour le lecteur lessivé par ces quatre cents pages, abruti en apprenant en fin de volume que non seulement il y aura une suite, mais que l’auteur a déjà prévu dix autres livres dans la série… à en rire. En rire jaune, parce que même si une platée d’étrons de temps à autre fait mieux apprécier la vraie cuisine, il reste que lire ce bouquin, ultimement, a quelque chose de toxique. Souhaitez que je m’en remette avant le prochain volume de monsieur Bryand. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 48-51.