À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Ted Mackaulay veut obtenir une carte de travail, ce qui lui permettrait de meubler un peu son oisiveté en jardinant et en bricolant. Car, pour le moment, la loi le contraint à une inactivité totale, tout en lui assurant les services de divers automates. Un fonctionnaire lui ayant refusé la carte convoitée, Mackaulay demande à voir son supérieur, un robot vaniteux et prolixe, et lui explique qu’il s’ennuie à ne rien faire. Il insiste pour voir encore plus haut et défend son cas devant un ordinateur à la voix suave. Rien n’y fait, on le déboute. Pour le consoler, on lui envoie un casse-tête en trois dimensions qui devrait l’occuper quelque temps, mais accompagné du robot pour le résoudre !
Commentaires
On en a tellement lu, de ces histoires de bureaucraties totalitaires, triturant de toutes les façons le droit au travail, le droit au loisir, le droit tout court, les libertés brimées, la dictature et ses robots, humains ou mécaniques, que j’ai éprouvé à la lecture de « Le Bohneur s’ennuie » le même vague agacement que le fonctionnaire de la nouvelle.
André et Yves Ber défoncent des portes qui sont ouvertes depuis Orwell – vous savez, ces portes qui vont et viennent, immortalisées par le cinéma western et toujours en usage dans les restaurants ? On a eu droit à quelques variations intéressantes voici trois ans, comme celle de Terry Gilliam avec Brazil ; mais, maintenant que 1984 est passé sans que nos libertés ne périssent sous la botte grand-fraternelle, est-ce qu’on pourrait passer à autre chose ? La dilapidation de l’État par des gouvernements néo-conservateurs menace désormais notre bien-être beaucoup plus que l’État ne l’a jamais fait – quant à notre vie privée, ce sont maintenant les réseaux financiers qui en accumulent tous les détails dans leurs banques de données.
Ben oui, voici un individu unique et solitaire qui, par son obstination, perturbe et met à l’envers une administration. Puis après ?
Et c’est appuyé, la démonstration se prolonge, s’étire, moralise pesamment sur la paresse des hommes qui les a menés à créer des robots. Il y a effectivement ennui, mais ce n’est pas le bonheur qui s’ennuie, c’est la bonne volonté avec laquelle on aurait voulu lire cette énième mouture de la dystopie robocratique ; sa chute éveille un sourire mental qui ne trouve même pas le chemin des lèvres. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 32-33.