À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Julot Sébastien Walderftman, apprenti-pâtissier de son état, se trouve un jour projeté dans un étrange univers parallèle au nôtre, un univers étrange où le soleil est appelé Soram Plôd, où tout ce qui est fabriqué de main d’homme échappe à la gravité, un univers où on attrape la nourriture avec des filets, où vivent le vépêdipard et les mystérieux boudins d’air. C’est à cause d’un de ces boudins d’air que Julot a été « échangé » avec Joseph Plouc Jasmas, un habitant de Soram Plôd qui se retrouve ainsi sur notre Terre à la place de Julot.
Julot ne tarde pas à se faire ami avec Fliquevoque, la soeur de Joseph Plouc. En sa compagnie, il explorera tout d’abord son nouveau monde, apprendra la technique pour attraper la nourriture à bicyclette, fera connaissance avec les habitants du village. Il cherchera ensuite, toujours en compagnie de Fliquevoque, à en découvrir un peu plus sur les boudins d’air, afin de trouver un moyen de rentrer dans son univers et, par la même occasion, ramener Joseph Plouc auprès de sa soeur.
Ce voyage d’exploration les mènera tout d’abord à une grande chaîne de montagnes, où vont mourir les boudins d’air. Ils rebroussent ensuite chemin en direction de l’île Mère, maintenant résolus à découvrir également d’où vient la nourriture volante. Ils découvriront un peuple encore plus étrange, les Ilosiens, qui cuisinent mais ne mangent pas, et qui perdent leurs yeux pendant cinq mois de l’année.
Ils découvriront enfin la source des boudins d’air. Les Ilosiens ne mangent qu’une fois par an, lorsque les sept mois de « vue » se terminent. Ils organisent alors un énorme banquet et exceptionnellement prennent une bouchée de leur création. Leur métabolisme déjà équilibré énergétiquement doit se débarrasser du surcroît d’énergie produit par la nourriture, ce qui se manifeste sous la forme d’un boudin d’air. Découvrant cela, les Ilosiens se mettent à manger de nouveau, ce qui cause d’énormes boudins d’air qui font communiquer la Terre et Soram Plôd, ce qui permettra aux humains des deux univers de communiquer et de créer un nouvel ordre mondial.
Commentaires
Ce deuxième roman de Gaétan Lebœuf, également auteur de Simon Yourm, paru en 1986 chez le même éditeur, est d’abord et avant tout une œuvre de fantaisie pure, humoristique, débridée. Le lecteur aurait tort de rechercher dans Boudin d’air une justification science-fictionnelle à la thématique des univers parallèles : c’est un prétexte folichon pour un roman tout aussi peu sérieux. C’est avec notre esprit rationnel en roue libre qu’il faut en entreprendre la lecture, une lecture qui a ses hauts et ses bas.
Il y a des trouvailles. J’ai bien aimé le cycle de division du soleil, le concept de la gravitation partielle, le fonctionnement du vépêdipard, le chapitre intitulé « Chapitre suivant », etc… L’auteur a fait un certain effort pour ordonner son délire. Si la nourriture apparaît, c’est donc qu’il y a des gens qui la fabriquent. Il y a une explication à la formation des boudins d’air – peu importe qu’elle soit de la plus haute fantaisie.
Malheureusement, Boudin d’air souffre également de faiblesses importantes, aussi bien au plan du récit qu’au plan de l’écriture.
Le récit tout d’abord. La structure dramatique est plutôt aléatoire. Si le mystère de la formation des boudins d’air fournit un fil conducteur au roman, il n’en demeure pas moins que les développements apparaissent souvent arbitraires, voire même confus (p. 78 à 112). Les personnages manquent totalement de profondeur, ils agissent de façon à faire progresser l’intrigue.
Mais la principale faiblesse, c’est l’écriture. Explications floues, confusion dans les dialogues, faux emplois : c’est au point où, par endroits, on ne comprend pas ce que l’auteur veut dire. En page 29, le mot « percussion » est employé pour parler d’une « collision ». Page 39, on trouve cette phrase : « Les trois avants n’entendirent pas le hululement de douleur que poussa l’arrière gauche en sentant un courant électrique décharner sa pauvre maléolle… » (c’est moi qui souligne).
Que penser de cette phrase ? Le « hululement » est le cri de la chouette, qu’il ne faut pas confondre avec « hurlement ». « Décharner » veut dire « enlever de la chair », notion que l’on associe mal à une décharge électrique. Quant à malléole, j’ai été obligé de consulter le dictionnaire, ce que l’auteur aurait dû faire plus souvent, pour apprendre qu’il s’agit des chevilles. Alors, pourquoi ne pas avoir écrit « cheville », tout simplement ?
Si j’insiste sur ce court passage, représentatif du « style » de Lebœuf, c’est pour rappeler de façon bien fasciste que les mots ont des fonctions et des significations, avec lesquelles il est permis, et même encouragé, de jouer, de créer des métaphores, mais pas à tort et à travers ! Il faut surtout faire attention au phénomène de l’attraction paronymique, c’est-à-dire lorsqu’un mot est influencé par le sens d’un autre mot qui lui ressemble, effet qui est à l’œuvre de façon involontaire et pernicieuse dans le roman de Lebœuf – quand je dis pernicieux, je pense surtout au jeune lecteur. Je ne peux m’empêcher de penser que si le roman n’avait pas été de la science-fiction, la direction littéraire de Québec/Amérique n’aurait jamais laissé passer ça.
Espérons que les jeunes lecteurs retiendront de leur lecture ce qu’il y a de positif dans Boudin d’air : les possibilités de la fantaisie, de l’imaginaire, de l’humour et des mots, et n’en concluront pas par cet exemple que ladite fantaisie veut dire n’importe quoi, écrit n’importe comment. [JC]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 116-118.
Références
- Anonyme, Vie pédagogique 72, p. 30-31.
- Le Brun, Claire, imagine… 57, p. 87-88.
- Sarfati, Sonia, La Presse, 27-01-1991, p. C3.
- Trudel, Marc-Alexandre, Lurelu, vol. 14, n˚ 1, p. 15.