À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Spécialiste de la petite histoire de Montréal, Luc Guindon a notamment contribué à faire redécouvrir les talents d’écrivain d’anticipation de son grand-père, Lucien. Un jour, Luc reçoit une lettre d’un vieil homme, Hector Dumas, qui a connu son grand-père, mais il rate le rendez-vous qu’elle contenait. En revenant chez lui cette nuit-là, il est attiré par une librairie qu’il n’avait jamais remarquée auparavant. Il s’agit de la Bouquinerie d’Outre-Temps qui n’a existé que de 1878 à 1899 !
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Commentaires
Depuis H. G. Wells, les voyages dans le temps ont inspiré un grand nombre d’auteurs. « La Bouquinerie d’Outre-Temps » est un texte intéressant sur le thème du paradoxe temporel car l’auteur délaisse ici les habituels procédés scientifiques. La machine a été remplacée par des processus mentaux (association d’idées, ivresse, dérive mentale) et par un lieu propice, une librairie.
La nouvelle d’André Carpentier peut être lue sous deux angles différents. On peut y voir un texte pessimiste ou ironique qui met en doute la capacité d’invention des auteurs de science-fiction. Lucien Guindon n’aurait rien inventé car il aurait eu la possibilité de voyager dans le futur grâce à la Bouquinerie. La SF serait ainsi une retranscription déguisée de la réalité plutôt que l’invention d’une réalité autre. Mais on peut aussi considérer ce texte comme une sorte d’hommage aux pionniers méconnus de la SFQ.
André Carpentier raconte cette histoire avec simplicité en tirant profit de mises en situation habiles. Il possède manifestement une bonne documentation sur le passé de Montréal et sait recréer l’atmosphère de la vie nocturne sur la rue Saint-Denis, aujourd’hui et il y a un siècle. Le décor, sans prétendre au statut de symbole, a autant d’importance que le personnage. En ce sens, « La Bouquinerie d’Outre-Temps » est à la fois une histoire des lieux et de l’homme qui les habite.
Malheureusement, on découvre le punch rapidement et c’est sans surprise qu’on attend la conclusion. Ce désamorçage de l’intérêt est attribuable à la lettre que reçoit Luc. Ce procédé narratif livre beaucoup d’indices et s’avère fort discutable puisqu’il ébranle la cohérence du récit. Carpentier esquive rapidement le fait que Luc n’a jamais rencontré Hector Dumas – ce qui apparaît assez incroyable – mais surtout, qu’il n’a jamais entendu parler de l’amitié qui liait son grand-père à Antoine Dumas, le père d’Hector.
La nouvelle d’André Carpentier est néanmoins sympathique, l’auteur multipliant les clins d’œil (les titres des livres de Lucien Guindon sont savoureux), en donnant libre cours à son amour des livres et se faisant le chantre du quartier de la bohème de Montréal. [RB]
- Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 56-57.