À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Thodore Aunil, un pauvre homme, ferait n’importe quoi pour se livrer à son vice : l’alcool. À bout de ressources, il invoque le diable qui lui propose un marché : une bouteille de whisky qui ne se vide jamais en échange de son âme dans vingt ans. Thodore signe le contrat. À quelques jours de la date d’échéance du pacte, Thodore prend peur et se confie au curé. Celui-ci, qui ressemble à Thodore comme deux gouttes d’eau, le remplace au moment où le malin vient réclamer son dû. Qui aura le dernier mot ?
Commentaires
Les pactes avec le diable sont nombreux dans la littérature québécoise du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Ils engagent toujours l’âme du protagoniste mais les motifs varient : l’amour, l’argent, la gloire. Ici, c’est la boisson. On sait que l’ivrognerie est un vice dénoncé de tout temps par le clergé mais le curé, dans le conte de Laurin, se montre singulièrement indulgent envers Thodore qui a profité pendant vingt ans des conditions de son pacte avec le malin pour s’enivrer régulièrement.
Si le récit évite ainsi de faire lourdement la morale, il étonne davantage dans le sous-texte qu’il contient. Le curé se substitue à Thodore pour affronter le malin, non parce qu’il est un homme d’église, mais parce qu’il est plus intelligent et cultivé que Thodore qui, lui, n’a « que ses deux bras pour gagne-pain ». Le pasteur met le diable au défi de lui poser trois questions auxquelles il prétend pouvoir répondre. Ce faisant, c’est la ruse mais aussi la connaissance qui viennent à bout du prince des enfers. Il y a dans ce conte fantastique une indéniable valorisation du savoir et de l’instruction, une reconnaissance de l’élite intellectuelle – avant que d’être religieuse – qui constitue une rare bouffée d’air frais pour l’époque. Par contre, l’écriture n’a rien de remarquable et comporte plusieurs maladresses.
« La Bouteille du diable » a remporté le cinquième prix du concours de contes de Noël organisé en 1952 par Le Nouvelliste. Le texte est attribué à Jean Laurin mais, bizarrement, il porte la signature à la fin de Réjan Aunil et est daté du 30 novembre 1952. Est-ce pour confondre le diable ? [CJ]