Résumé/Sommaire
En ce 8 août 1999, David Bernard, lanceur droitier, 13 ans, six victoires et deux défaites, s’apprête à disputer un match de baseball qui va décider du championnat de la ligue. Il y a huit ans exactement, son père Michel est décédé d’un cancer. Alors qu’il est au bâton en fin de match, David est atteint à la tête par une balle rapide au moment même où survient une éclipse de soleil. Il perd connaissance et se retrouve… le 8 août 1971 dans la maison de son cousin Michel. Tout lui paraît à la fois étrange et familier. Il finit par apprendre qu’il est en visite chez son cousin pour la durée d’une semaine et que ce cousin est… son père adolescent. David va tout faire pour devenir le meilleur ami de son père, ce père qu’il a perdu trop jeune, et pour comprendre l’origine de la supposée folie de l’Illuminé, un voisin qui demeure à proximité de chez lui depuis son enfance.
David joint les rangs de l’équipe de Michel et il est appelé à affronter les Pirates dans un match de championnat. Les deux « cousins » brillent dans la victoire de leur équipe. En revenant du terrain de baseball, David est heurté par la moto d’un jeune qui l’avait défié sur le losange et qu’il avait humilié en le retirant sur trois prises au grand plaisir des spectateurs et des joueurs des deux équipes. Le choc le ramène en 1999… étendu sur le sable, près du marbre, son instructeur et son receveur penchés sur lui. David est déçu d’être séparé à nouveau de son père mais il garde un souvenir ému de cette semaine de rêve qu’il a vécue en revoyant sa mère, ses grands-parents, son instructeur et la femme de celui-ci qu’il a toujours trouvée de son goût. Mais a-t-il vraiment vécu cette aventure ou l’a-t-il simplement rêvée ? Une photo prise dans un photomaton confirme qu’il n’a pas été victime de son imagination.
Autres parutions
Commentaires
Le cinéma hollywoodien, tout comme les écrivains américains, a utilisé à maintes reprises le baseball comme métaphore de la société américaine. La situation est cependant fort différente dans les lettres québécoises. Même le hockey, qui est notre sport national, a peu inspiré nos écrivains et n’a pas encore donné un grand roman à notre littérature comme a pu le faire le baseball dans la littérature américaine. Le roman d’Alain M. Bergeron est, à ma connaissance, le premier à mettre le baseball au centre du récit. L’auteur recrée bien l’esprit du jeu et la mentalité des adeptes de ce sport, des boys of summer. L’atmosphère des matchs est bien rendue et il se dégage de l’ensemble un charme certain qui est aussi dû au parfum de nostalgie qui suinte du récit en raison de ce retour dans les années 1970.
Bergeron connaît et aime le baseball, ça se sent. Il se permet quelques clins d’œil qui feront sourire le véritable amateur de baseball (comme moi au cours de cette même décennie) et qui éveilleront chez lui de beaux souvenirs. Son sommaire du match des Expos contre les Reds de Cincinnati le 8 août 1971 au parc Jarry en est un bel exemple : les noms de Ron Hunt, Coco Laboy, Rusty Staub et Carl Morton côtoient ceux de… H.G. Wells et Ray Kinsella ! Voilà le genre d’humour réussi qu’on retrouve un peu partout dans C’était un 8 août comme Rod Carew éparpillait ses petits coups sûrs dans l’uniforme des Twins à la même époque.
Le retour dans le passé, qui permet au narrateur de rencontrer son père adolescent et de jouer au baseball avec lui, n’est pas nouveau dans ce genre de récit, mais il fonctionne toujours et comporte sa part de nostalgie. Bergeron répond de façon plausible et vraisemblable aux questions qu’il soulève : qu’arrive-t-il à David en 1999 pendant qu’il est projeté en 1971 ? Comment expliquer que son père Michel ne lui ait jamais parlé de ce cousin qu’il a connu en 1971 ? Mais ce qui est encore plus louable, c’est que l’auteur résiste à la tentation de « ressusciter » le père de David – plusieurs auteurs jeunesse seraient tombés dans le piège – en faisant en sorte que le fils modifie le cours du destin du père en le rencontrant en 1971.
Une autre réussite du roman est la manière avec laquelle l’auteur fait habilement ressortir les différences entre deux époques pourtant pas si éloignées dans le temps : le tabagisme fort répandu en 1971 (les remarques à cet effet sont peut-être un peu trop appuyées d’ailleurs) et la hausse du coût de la vie (le cinéma à 2,00 $), le succès cinématographique de l’été, Love Story, avec Ali McGraw et Ryan O’Neal (et là, ironiquement, c’est le personnage d’O’Neal qui nous renvoie notre culture populaire puisqu’il fait partie de l’équipe de hockey de son université). En filigrane, c’est aussi un condensé de l’éducation sentimentale d’un adolescent (les filles deviennent tout à coup une préoccupation majeure) qu’on peut lire dans le roman de Bergeron. La seule invraisemblance du récit concerne le fait que David puisse s’intégrer à l’équipe de son « cousin » en fin de saison et participer aux matchs de championnat.
C’était un 8 août est au baseball ce que Zamboni de François Gravel est au hockey en littérature jeunesse. Voilà un très bon roman sur l’amitié masculine et les relations père-fils qui table intelligemment et sans racolage sur les émotions et la nostalgie et qui plaide en faveur de l’ouverture aux autres et à la différence (par l’entremise notamment de l’Illuminé, Chris Jolibois). Bref, c’est le genre de roman pour jeunes qui plaira autant aux adultes qu’aux ados, preuve de sa réussite incontestable. Maintenant que j’ai terminé cette lecture, il faut absolument que je la complète par le visionnement de Fields of Dreams, un classique américain sur la mystique du baseball. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 17-18.
Références
- Cornellier, Louis, Le Devoir, 18/19-07-2015, p. E 7.
- Lessard, Valérie, Lurelu, vol. 22, n˚ 3, p. 35.