À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Richard Martin jr est invité par son père à consulter le Docteur K, la psy la plus réputée du pays. Le problème de Richard ? Il souffre d’un « surplus de pulsions affectives », c’est-à-dire qu’il lui arrive de ressentir de la compassion et de l’amour à l’égard des autres. Grave maladie dans un monde où le seul sentiment toléré est la haine.
Autres parutions
Commentaires
Présent depuis quelques années dans le paysage de la SFFQ, Stanley Péan ne s’est véritablement affirmé que l’année dernière grâce à son superbe recueil intitulé La Plage des songes. Nous n’avons pas fini d’entendre parler de lui, je crois, ni d’être surpris par la variété de son imaginaire. Contrairement à plusieurs écrivains québécois de SF ou de fantastique qui se plaisent à explorer les mêmes eaux, Stanley Péan aime à toucher différents genres et différents styles. Bien sûr, les nouvelles de La Plage des songes constituent ce qu’il nous a offert de meilleur et de plus personnel jusqu’ici. Mais le jeune écrivain a d’autres cordes à son arc et il le prouve encore une fois.
Annoncé comme une nouvelle d’horreur, « Le Cabinet du Docteur K » est en réalité un récit de science-fiction par ailleurs assez dénué d’épouvante. Peu importe. Sans être génial ni particulièrement original, voilà un bon texte. Stanley Péan écrit bien, il sait construire des histoires et il a du talent pour les raconter.
Dédiée à Harlan Ellison, cette nouvelle possède effectivement le même esprit critique et contestataire que les textes de l’ex-angry young man de la SF américaine. Richard Martin jr est un marginal dans cette société fondée sur la haine, à la fois anti-chrétienne et anti-littéraire, triomphe du rationnel et de l’efficacité. Apparemment, le monde entier désapprouve le jeune homme – ses parents, les institutions, les badauds, la presse –, et il souffre d’éprouver de tels élans d’amour, de tendresse et de compassion. Mais il finira par découvrir qu’il n’est pas le seul dans son état, ce qui ne changera rien à son problème. Lorsque Roger, le secrétaire du Docteur K jadis amoureux de celle-ci, se suicide sur la place publique, c’est à son propre destin qu’assiste alors le protagoniste. La chute nous apprend que même le Docteur K n’est pas imperméable à la compassion et aux remords. Elle n’est pas vraiment « guérie » elle non plus et doit s’administrer parfois des injections pour rester "normale" et poursuivre sa tâche.
Oscillant entre un humour aux moutures inégales et un sérieux qui tente d’éviter la moralisation, le texte de Péan n’est pas dépourvu de faiblesses. Quand Richard comprend, à la fin, que la femme de ses rêves n’est autre que le Docteur K démaquillée, c’est un peu gros. D’autant plus que cette piste (la femme qui le poursuit en rêve) n’avait pas été suffisamment exploitée dans les pages précédentes. Mais ces défauts ne sont ni assez nombreux ni assez persistants pour ruiner le plaisir qu’on a à lire ce texte. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 145-146.