À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Un canard de bande dessinée, fictif et célèbre, déplore qu’un crayon d’un autre monde l’anime dans d’incessantes péripéties et ce, après plusieurs années d’existence. Manipulé contre son gré, le personnage se retrouve un jour avec un fusil dans les mains, poussé à tirer sur un personnage inoffensif. Il réussit à retourner l’arme contre son dessinateur et à faire feu, ce qui interrompt toute action sur son environnement et, par le fait même, l’affranchit de ses contraintes.
Commentaires
Alain Bériau a ancré sa nouvelle dans le genre fantastique en alliant la métatextualité et la mise en abyme. Le personnage principal est nul autre que le fameux canard Donald Duck des dessins animés de Disney, ce que l’on devine autant par la description de son physique que par ses liens familiaux, avec ses trois neveux et son oncle riche. Le narrateur omniscient utilise de nombreux participes passés seuls et des adjectifs pour dépeindre le personnage, qui n’est maître ni de ses actions ni de son histoire.
Cependant, le protagoniste est manifestement pourvu d’une volonté propre qui lui permet de réfléchir et de jeter un regard critique sur ce qui l’anime et son environnement, incluant ce « cadre », une case de bande dessinée, dont il se sent prisonnier. La seule liberté du canard est cette faculté de penser, ce qui le laisse entre autres espérer sa retraite dans un futur rapproché. Le jeu textuel entre le personnage et son illustrateur, dont il voit le crayon, voire entre lui et les spectateurs, dont il entend les rires, précède un changement dans l’écriture de la nouvelle, alors que les verbes d’action prennent le dessus sur la description.
Par ses observations de la page, le canard a conscience de ce qui constitue chaque vignette passée et à venir de la bande dessinée. Sachant ainsi les événements qui jalonnent cette séquence, il devine ceux de la séquence suivante, et c’est cette connaissance qui lui permet soudainement d’agir selon sa volonté, contre celle du dessinateur. Le meurtre de ce dernier et, ultimement, l’intrusion du monde fictif de Donald Duck dans celui de son créateur interrompent bien sûr l’action autour du personnage, qui s’est enfin émancipé, bien que la nouvelle ne précise pas s’il est libéré physiquement du cadre des vignettes.
Dans son récit court et efficace, Alain Bériau a-t-il voulu simplement critiquer la bande dessinée (voire le dessin animé) de masse, ses histoires répétitives qui respectent un moule prédéterminé et ainsi, leur manque d’originalité dont le canard désabusé aspire à s’échapper ? Je le crois. [SG]