À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
David Martin, quatorze ans, s’est joint à une bande de jeunes menée par Joey Rosa, un voyou de dix-sept ans. C’est à Joey que vient l’idée, un soir d’octobre, d’aller « réveiller les morts » : autrement dit, faire un peu de vandalisme au cimetière de la petite ville où ils résident.
C’est une nuit d’orage. Les quatre garçons de la bande se font surprendre par le sacristain et s’enfuient à toutes jambes. Le lendemain, lundi, le journal relate le vandalisme au cimetière. La nuit venue, le fantôme d’une petite fille apparaît à David et à son jeune frère Jérémie ; elle demande qu’on l’aide à retrouver son nom. David se convainc que ce n’était qu’un cauchemar. Mardi, Peter et Jonas, deux autres membres de la bande, racontent à David que Joey est devenu dément et a été interné. Ils lui demandent s’il n’a pas eu une visite mystérieuse la nuit passée, mais David refuse de répondre même si une voix intérieure l’exhorte à admettre la réalité. C’est au tour de Jonas de perdre l’esprit la nuit suivante ; puis Peter est tué, écrasé par un camion sous les roues duquel il s’est jeté dans un moment de folie.
Finalement, la Chose qui traquait les adolescents s’en prend à David : elle avait emprunté l’apparence d’une petite fille pour le tromper ; c’est en réalité une âme damnée que le vandalisme des adolescents, la nuit d’orage, a fait sortir de sa tombe. Elle a décidé de posséder le corps de Jérémie. David trouve au dernier moment le moyen de la bannir. L’esprit de son grand-père lui apparaît alors par le truchement de la télévision. Il lui explique ce qui s’est passé, et que c’était lui, la petite voix intérieure qui a donné à David le courage nécessaire pour lutter contre la Chose.
Commentaires
Ce n’est pas pour varger sur les petits éditeurs régionaux, mais on se demande parfois s’ils le font exprès de donner la parole à des néophytes de l’écriture qui – malgré tout leur potentiel – auraient un sérieux besoin de prendre de l’expérience avant d’être publiés.
Paula Nadeau n’écrit pas trop mal, stylistiquement parlant. Certaines phrases ne sont pas très élégantes, mais beaucoup par contre trouvent un ton tout à fait juste. Si la direction littéraire l’avait forcée à retravailler les phrases faibles et à éviter les clichés, je crois qu’on n’aurait presque rien eu à reprocher à l’écriture de ce roman.
La narration, par contre, est plus faible. Ses lacunes seront familières à quiconque s’est tapé des textes de débutants : les transitions entre les scènes font souvent défaut, reflétant peut-être l’influence de la télévision, mais aussi la concentration excessive sur les points saillants de l’histoire telle qu’on se la représente mentalement avant de l’écrire.
C’est l’intrigue que je me refuse à excuser. Si, jusqu’au deuxième tiers du livre, je la trouvais branlante mais encore acceptable, elle se gâte terriblement après. Quand on nous fournit les explications, tout paraît trop clairement arrangé pour faire une histoire. David se révèle en fin de compte le classique protagoniste passif des œuvres d’amateurs : un personnage qui n’agit jamais par lui-même, qui est simplement témoin de choses étranges, se refuse à les croire, n’écoute pas les informations importantes qu’on tente de lui apprendre, et ne trouve la solution à ses problèmes que parce qu’on la lui souffle.
Je n’arrive d’ailleurs pas à comprendre David : il nous est présenté comme un garçon studieux, qui accepte de prendre la responsabilité de son jeune frère et s’acquitte consciencieusement de sa tâche, et qui a honte de profaner un cimetière. Pourquoi donc s’est-il joint à la bande d’apprentis voyous que dirige Joey ? Jamais on ne nous fera sentir les contradictions internes de tout adolescent de son âge : David s’ennuie, voilà la seule explication qui nous est offerte. Il faut dire que la vision de la famille que le livre présente est idéalisée et traditionnelle : deux parents aimants, deux enfants au cœur d’or. Un aîné à qui le père confie sa mère et son frère durant son absence, et que sa mère gratifiera d’un « mon homme » après qu’il ait surmonté la terrible épreuve et sauvé son frère. Ajoutez à cela un grand-père veillant sur eux depuis l’au-delà et qui « sera toujours avec eux » et vous avez, je crois, la raison pour laquelle ce livre a été publié : parce qu’il nous fait, plus ou moins discrètement, la morale – une morale sortie des années cinquante, attirante par sa simplicité, sa naïveté, mais en même temps déconnectée de notre fin de siècle. Chacun son goût, je suppose.
Les éditions de la Paix classent ce livre dans une catégorie Ados/Adultes alors qu’il est franchement imbuvable pour un lecteur adulte et vise clairement les amateurs de Frissons et autres bouquins d’horreur édulcorée. Elles le gratifient en plus en quatrième de couverture d’un résumé lamentable – il y a de quoi mettre quelqu’un à la porte ! C’est rendre un bien mauvais service à une auteure qui nous affirme avoir une envie folle d’écrire avant que le temps ne la rattrape ; il aurait fallu que ce soit la direction littéraire qui la rattrape. Je crois que Paula Nadeau pourrait, correctement encadrée, en arriver à produire de bons romans pour jeunes. Mais si elle continue à publier avec le même éditeur, je prédis que sa carrière n’ira nulle part. Tant pis pour elle et pour nous. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 126-127.