À propos de cette édition

Éditeur
Berthiaume & Sabourin
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Monde illustré, vol. XIV, n˚ 705
Pagination
436-437
Lieu
Montréal
Date de parution
06 novembre 1897

Résumé/Sommaire

Le narrateur se rend en excursion dans la région de La Conception avec quelques amis et dresse sa tente au bord du lac Tremblant. À la tombée de la nuit, lui et quelques compagnons sont témoins d’une étrange scène. Des êtres fantomatiques se dirigent vers la montagne Tremblante et se mettent à creuser la paroi rocheuse. Au prix d’efforts surhumains, ils arrivent à dégager l’entrée d’une caverne au fond de laquelle gît le cadavre d’un enfant. Celui-ci se lève et vient à la rencontre des spectres déployés en demi-cercle. Il parle, puis presse contre son cœur l’un de ces êtres.

Commentaires

« La Caverne de sang » est la suite de « La Montagne Tremblante ». Le texte se divise en deux parties d’égale longueur. La première, à caractère anecdotique, emprunte un ton désinvolte – celui de la conversation familière – pour raconter les préparatifs de départ du narrateur et les étapes du trajet qui le mène en pleine nature dans la région de La Conception. Le récit tient davantage de la chronique que du conte. Picard se fait le chantre d’une nature sauvage que la civilisation humaine n’aurait pas encore corrompue. « Qu’il est bon, dans le repos des vastes montagnes, loin des hommes, d’oublier la méchanceté, la malignité, la dégoûtante envie que l’on côtoie journellement… » On y sent l’influence romantique de Chateaubriand : « Il y avait des heures que les premiers flambeaux, scintillant dans leur aberration, s’étaient allumés dans l’immensité éthérée, irradiant de teintes d’or l’azur du ciel empyrée. »

Cette prose poétique surannée favorise la transition de la première à la deuxième partie, beaucoup plus dramatique celle-là, qui constitue en quelque sorte la conclusion de la légende racontée dans « La Montagne Tremblante ». Après l’expression d’un Dieu vengeur qui anéantit la totalité de la tribu des Nez-Plats, voici la manifestation d’un enfant miséricordieux qui, après des siècles, pardonne enfin à ses bourreaux. L’auteur a-t-il été pris de remords après avoir écrit un texte aussi raciste que « La Montagne Tremblante » ? Quoi qu’il en soit, « La Caverne de sang » vient nuancer la dureté du châtiment en laissant entrevoir aux âmes damnées une possibilité de rédemption.

Le lecteur ne sera pas dupe du caractère édifiant du texte car la scène qui est rapportée se déroule durant la nuit de la Fête des Morts qui succède à la Toussaint. Les fêtes religieuses qui ponctuent les temps forts de l’année servent souvent de cadre temporel aux contes québécois du XIXe siècle. La Fête des Morts est au cœur du présent récit et fonde indubitablement le caractère religieux du texte.

Pour un critique littéraire, « La Caverne de sang » est toutefois un texte moins riche que « La Montagne Tremblante » car le discours y apparaît plus conforme à la morale chrétienne. On dirait que Firmin Picard a voulu gommer certains aspects de sa pensée qui se révélaient un peu trop au grand jour dans « La Montagne Tremblante ». [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 152-153.