Résumé/Sommaire
Julie, douze ans, aime plus ou moins son grand frère Luc. Elle se retrouve sous sa responsabilité, ou sa garde, tandis que leurs parents partent en vacances dans le Sud. Or, Luc se met à rapetisser de cinq centimètres par jour, sans raison apparente. Panique ! Mais à qui le dire, qui croira ça ? Luc veut cacher l’affaire, lui dont la devise officieuse est « Ce n’est pas de ma faute ! ». Aux yeux d’un voisin croisé à la pharmacie, Julie fait passer Luc pour un jeune cousin très ressemblant. Les parents ne peuvent être joints par téléphone ; que pourraient-ils faire, de toute façon ?
Julie croit tenir un indice lorsqu’elle trouve dans le placard de son frère une boîte scellée, qu’elle ouvre de force. À l’intérieur, un gaminet déchiré, taché de sang, et des photos de leur mère Louise, enceinte. Louise, que Julie n’a pas connue car elle est morte à la naissance de la fillette. La découverte a un effet-choc sur Luc : il rapetisse de plus belle, sa gorge se noue, bloquant parole et respiration. Julie court chercher le voisin, heureusement psychiatre, qui entreprend de faire parler le petit coupable. Car culpabilité il semble y avoir. Luc se croit responsable de l’accident de voiture après lequel Louise, enceinte, avait été hospitalisée. C’est faux, elle était déjà malade du virus qui allait l’emporter, mais son frère, l’oncle Bébert, qui conduisait le jour du drame, n’a jamais cessé de blâmer Luc.
Faire sortir les paroles ne suffira toutefois pas, il faudra que Luc, sur les consignes du psy, brûle tous les objets qu’il collectionnait en souvenir du grand nombre de gaffes, accidents et malchances qui ont ponctué sa jeune vie. Pas un instant trop tôt : les parents reviennent justement de voyage ; ils trouveront un Luc de taille normale et des enfants réconciliés.
Commentaires
Le deuil, l’abandon, la tristesse, le sentiment de culpabilité, le fait d’être orphelin, voilà des thèmes qui traversent l’œuvre entière de Linda Brousseau. Ils se déploient presque tous ici, et seraient accablants si la narration par la fillette n’était émaillée d’un humour qui vient de temps à autre désamorcer la détresse de ces enfants. La régression mentale, qui serait explicable dans le contexte, est transposée par l’auteure en régression physique. Luc se rendra littéralement jusqu’à la taille d’un gamin de cinq ans, obligé d’enfiler ses vêtements d’enfance, heureusement conservés dans une malle au grenier. (Lesquels vêtements, on doit le supposer à la place de l’auteure qui n’y a pas pensé, grandiront avec lui lorsqu’il retrouvera instantanément sa taille normale de jeune homme de dix-sept ans à l’heure du dénouement.)
La psycho-pop comme moteur du fantastique, voilà à quelle enseigne loge Ce n’est pas de ma faute ! Ou, plus précisément, comme moteur du réalisme magique, car aucun trope du fantastique canonique ne se profile ici. Il y a bien l’oncle Bébert, à qui l’on prête des velléités de magicien, mais il n’entrera jamais en scène. Fausse piste délibérée ? Son seul maléfice aura été, douze ans avant le temps du récit, de blâmer un bambin de cinq ans alors que c’est lui-même qui était au volant.
Pour apprécier ce bref roman, il faut accepter la convention que c’est une fille de douze ans qui raconte, malgré le vocabulaire relevé que Linda Brousseau lui prête. Accepter la convention que le garçon de dix-sept ou cinq ans, en crise de larmes, s’exprime comme un roman. Accepter finalement la convention, presque banale, que le psychiatre Paccalet parle à la manière d’un traité de psychologie populaire. Comme la majorité du lectorat semble bien vivre avec ce genre d’artifice, je n’élaborerai pas sur la verve de la narratrice, verve qui ressemble par moments à du remplissage.
La critique spécialisée en littérature jeunesse a plutôt relevé, positivement, le thème des culpabilités imaginaires, fréquentes paraît-il chez les enfants, dans des contextes de deuil et de divorce. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 33-35.