À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Jean Tremblay, 13 ans, Terrien d’origine, habite désormais avec sa famille sur Tiäne, une planète où l’espèce dominante est constituée de lézards bipèdes, intelligents et technologiquement avancés. Jean a d’ailleurs une sœur adoptive issue de cette race, un bébé reptile du nom de Katjanpaula.
Une autre espèce particulière a émigré sur Tiäne. Il s’agit d’arbres noirs qui savent communiquer par télépathie avec les races qu’ils côtoient et qui sont, de plus, capables de téléportation d’une planète à l’autre. Depuis un an environ, Jean Tremblay est infecté par un virus transmis par l’un de ces végétaux « dociles et obéissants » qui ornementent dorénavant sa cour arrière. Son mal étrange prend la forme de crises fugaces de douleurs intenses rappelant des morsures vives sur son corps.
Un matin, à la suite de l’une de ces manifestations de « haut mal » comme il les qualifie, Jean reçoit un message de Xède, un reptile âgé qui travaille sur l’espace-temps. Il est convoqué chez lui. Celui-ci donne au garçon une valise noire dont Jean ne doit plus se séparer, lui apprend qu’il hérite de la maison et des biens du scientifique, puis il enjoint le jeune homme de repartir chez lui.
Alertée, Catherine, la mère de Jean, vole au secours d’un Xède mourant et laisse à son fils le soin de s’occuper de sa demi-sœur Kat tout en vaquant à ses occupations scolaires. Jean rejoint alors un ami et camarade d’études, Calv, avec lequel il a partagé quelques aventures singulières sur la planète Bridaine, où les habitants volent les technologies et les biens des autres mondes. Calv est persuadé que les arbres noirs sont des humains génétiquement modifiés qu’un virus a transformés en végétaux pensants capables des prouesses de la téléportation. Il avance même que Jean a été infecté volontairement par cette espèce pour servir de lien entre eux. Calv pense par ailleurs réduire les crises de Jean en lui administrant des décharges électriques, comme s’en nourrissent les arbres, apprend-on.
Une nouvelle séance plus intense de ce traitement empirique téléporte accidentellement Jean et sa sœur sur Bridaine où il retrouve Bolte, le dirigeant du village de Fime, auquel le garçon venait tout juste de penser. Ils sont aussitôt faits prisonniers par des Cadénans, une espèce humaine de petite taille venue de l’espace. Le tempérament conquérant des Cadénans les amène à traquer sur Bridaine les lokas, les fameux arbres noirs téléporteurs qui ont pourtant fui la planète.
Un ordinateur, Celui Qui Voit, régit depuis des lustres les commandes des navires cadénans mais il a des ratés que Jean mettra à profit pour réexpédier ailleurs dans l’univers ces conquérants sanguinaires. Toutefois, avant de réussir ce coup avec l’aide de Bolte et de Calv, Jean sera soumis à une sonde mentale, confronté à l’amiral en chef auquel il livre spontanément le message des lokas – ils veulent revenir sur Cadéna – et exécuté par désintégration pour avoir été le porte-parole des arbres noirs.
Cette élimination sommaire le ramène sur Tiäne plutôt que de le tuer. À l’instar des lokas, il consomme de l’énergie, ce qui le téléporte vers les lieux auxquels il vient de penser. Avec Calv, il concocte un plan pour retourner sur Bridaine afin de récupérer sa sœur Kat et sauver la planète de Bolte de l’anéantissement nucléaire… et ce, avant que sa mère Catherine s’inquiète de son absence.
Commentaires
Amorcé par un prologue où Xède tente ultimement de se déplacer dans l’espace-temps, auquel s’ajoutent seize chapitres supplémentaires, le second roman jeunesse de Michel Lamontagne revient avec un héros réglant le sort d’une planète et le sien en un tournemain. C’est beaucoup de péripéties, de rebondissements, d’actions en quelques heures d’un même jour et pour un si jeune homme, mais les classiques du XVIIe siècle en ont mis large déjà sur les épaules de leurs personnages exceptionnels pour des périodes à peine plus longues.
Jean Tremblay est présenté cependant comme un garçon bien ordinaire, gentil, amical, sympathique, responsable, sachant accepter avec stoïcisme la souffrance, intégré socialement à sa nouvelle planète, hautement adaptatif dans d’autres milieux, capable de grandes actions idéalistes et protecteur pour sa demi-sœur. En somme, il est un modèle de bonne conduite pour le public cible auquel l’œuvre est destinée, en dépit de ses conflits occasionnels avec sa mère.
Catherine, de l’avis même de son fils, est une tornade hyperactive, une mère-poule aux lubies vestimentaires et alimentaires singulières, une originale qui se mêle de tout et qui se sent coupable de ne pas tout réussir (comme son garçon). Le personnage maternel est en somme stéréotypé et même infantilisé par les appréciations pas toujours généreuses du fils. Celui-ci manifeste davantage de maturité ! Quant au père, il est absent à cause de son travail, de son rôle même de pourvoyeur. Dans ce roman, c’est un caractère assez peu défini, un élément de décor comme dans beaucoup de récits destinés aux ados, trames narratives où l’on sent finalement que ces grands enfants s’élèvent tout seuls.
Les autres personnages, Tiäniens, Cadénans, Fimiens de Bridaine, lokas – des personnages-objets (remarquons la minuscule) –, ne sont guère davantage définis. Comme individus, ils sont décrits brièvement sur le plan physique (couleur, grandeur, posture, démarche) alors que, comme société, le portrait se limite à des comportements de caractère typiques des espèces autres que terriennes.
Le roman semble se vouloir amusant. Certaines descriptions touchent au burlesque, à la fantaisie. Mais il s’agit là d’un humour pince-sans-rire qui ne sera probablement pas saisi par les jeunes lecteurs auxquels l’auteur s’adresse principalement. De plus, parions que les lectrices n’y trouveront guère leur compte étant donné que les caractères féminins demeurent rares et qu’ils ne favorisent guère une identification positive.
Si le fil conducteur initial semble être l’héritage de Xède, les péripéties de Jean dans Celui qui voit orientent le récit vers une tout autre voie. Les trouvailles du vieux savant deviennent accessoires, même si elles balisent de temps à autre le récit et le referment. L’essentiel se passe ailleurs, dans cette guerre de conquête où un ordinateur défectueux guide une campagne (grand-guignolesque) qui tient du génocide planétaire.
Une telle entreprise est grave et importante, humainement parlant ; toutefois, Jean, malgré ses qualités, ne dégage pas beaucoup d’intensité dramatique et de charisme. Le public ciblé est sans doute soulagé d’apprendre que Jean est enfin libéré de son virus ; mais le héros, tourné sur lui-même, reste léger. Aura-t-il assez de consistance pour poursuivre ses aventures dans l’espace-temps ? Le legs de Xède l’autorise désormais à se déplacer autrement. Cependant, il faudrait que ce soit moins aléatoire ! [GHC]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 94-96.
Références
- Giroux, Pierrette, Lurelu, vol. 22, n˚ 3, p. 40.