À propos de cette édition

Éditeur
Le Monde illustré
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Le Monde illustré, vol. XV, n˚ 775
Pagination
708-709
Lieu
Montréal
Date de parution
11 mars 1899

Résumé/Sommaire

Des phénomènes mystérieux se produisent pendant la nuit dans une clairière surnommée le « Champ de Tacoma ». On peut y entendre des gémissements et des paroles d’un langage inconnu aux Blancs, y voir les arbres se tordre comme sous l’effet d’un violent ouragan. Certains affirment même avoir été surpris par un cheval monté d’un cavalier sans tête. Les plus vieux racontent qu’autrefois, le jongleur iroquois Tacoma vivait dans la clairière. Il avait recours à diverses sorcelleries pour imposer aux siens son autorité spirituelle. C’est que Tacoma se sentait menacé par les « robes noires ». Un jour qu’il faisait ses incantations dans sa hutte, des sifflements horribles se firent entendre. Un étrange duel venait de s’engager entre les forces surnaturelles du bien et du mal. Puis la foudre frappa. Un coureur des bois découvrit par hasard le cadavre calciné du sorcier. Lorsqu’on se rendit peu après sur les lieux, le corps avait disparu.

Commentaires

Comme dans plusieurs récits de l’époque, « Le Champ de Tacoma » met en scène un sorcier amérindien qui fait office de diable. Le jongleur iroquois est ici représenté comme un être perfide et machiavélique. Il trompe les siens et use de son pouvoir à des fins déloyales. Aussi son emprise sera-t-elle brisée par la colère de Dieu, et son âme sera-t-elle condamnée à hanter les lieux jusqu’à l’expiation totale de ses fautes.

La première moitié du texte consiste en une description des lieux (près de Saint-Eustache) et des événements inquiétants qui s’y déroulaient autrefois. Pour inspirer la peur, Legault puise dans l’imagerie populaire du fantastique : cris et gémissements inhumains dans un paysage lugubre, apparitions sur le coup de minuit, animation d’objets et de la nature… L’auteur aurait pu développer tout un récit fantastique à partir de la seule traversée de la clairière en pleine nuit. Mais il préférera expliquer l’origine des événements en racontant le combat légendaire entre Dieu et Tacoma (une variante intéressante de la lutte entre Gabriel et Lucifer).

Le duel se déroule à l’intérieur de la hutte de Tacoma. Les Indiens rassemblés à l’extérieur peuvent très bien suivre, à l’oreille, la progression de la lutte entre les forces surnaturelles. Tout le registre de la voix y passe : chants doux, incantations, cris discordants, sifflements, « voix au timbre métallique et cassant », grondements, « tumulte sans nom », etc. En fait, « jamais concert offert par les damnés au sein de l’infernal séjour n’aurait pu produire un effet plus horrible ». La tension atteint son paroxysme lorsque frappe la foudre et qu’éclate « un formidable coup de tonnerre ». Le Tout-Puissant a réussi à vaincre le Maléfique et à imposer sa loi (sa foi).

« Le Champ de Tacoma » est un texte inégal. On peut y déceler quelques irrégularités sur le plan narratif : le narrateur a-t-il été lui-même témoin des événements inquiétants qui se produisent dans la clairière ? Certains passages auraient aussi gagné à être traités avec plus de nuance. Ainsi, l’idée de représenter le combat des chefs par une approche « sonore » est fort originale, mais l’insistance de l’auteur est telle que la scène frise la caricature. [RP]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 113-114.