À propos de cette édition
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Christian Martin est connu dans les fandoms québécois et européens francophones comme l’éditeur du fanzine Temps Tôt, qui paraît depuis ses débuts (1989) avec la régularité d’un chronomètre… suisse. Hommages lui soient rendus pour une telle fidélité, exceptionnelle dans le cas de cette formule à faible diffusion !
En 1992, le fanéditeur tente d’élargir sa production et il offre, pendant cette année faste, trois plaquettes à son public. C’est ainsi qu’il fonde les Éditions de l’A Venir. Il présente initialement en recueil trois de ses textes : ce sera Changement de régime. Suivra La Mort des fées qui se définit comme « [t]rois courtes nouvelles de Christian Martin inspirées des superbes illustrations de Pierre D. Lacroix », son illustrateur régulier – récits de fantasy dont la facture emprunte à la prose poétique –, et Visages de l’Après-Vie, ensemble de nouvelles de Claude Bolduc, collaborateur, correspondant et conseiller au fanzine que Martin dirige.
C’est ce même Claude Bolduc qui signe Considérations d’ordre céphalique, préface badine à Changement de régime qui annonce l’humour des pages subséquentes. Cette ouverture est suivie d’une sorte d’avertissement de l’auteur-fanéditeur, Présentation, où celui-ci réfléchit sur la difficulté de l’humour, suggère à son lecteur de lire à haute voix certains passages et le prévient que « [l]es Chroniques… – le surtitre de l’ouvrage – ont été écrites dans un mélange de styles avec, en tête, différents modèles, passant parfois de l’humour littéraire, à celui du monologue, à celui de la bande dessinée », où se greffent également science-fiction et fantasy.
Une double dédicace s’intercale entre cette présentation officielle et les trois chroniques. L’ouvrage se complète d’un glossaire, d’une bibliographie de Martin et de publicités de l’éditeur.
Les greffons mentionnés y sont, mais la fantasy l’emporte, à notre avis, sur l’élément SF. P’tite Tête est une planète où vivent un roi et ses sujets : personnel d’une auberge, paysans, marins et quelques nantis et professionnels officiant dans les sphères du pouvoir.
C’est sur un fond de parodie sociale de notre société occidentale que l’humour de Christian Martin s’exerce. Il y a chez le fanéditeur une volonté de faire de l’esprit en multipliant les calembours, des plus faciles aux plus abscons. L’entreprise n’est pas toujours concluante… même à haute et intelligible voix, et même en convenant qu’il s’agit là d’un domaine d’humeurs et de complicités.
L’auteur n’avait d’autres prétentions que de faire passer un bon moment à ses lecteurs. Soit. Il le fait donc surtout de deux manières : d’une part, avec des permutations de graphies – « quand-cerf » pour « cancer », « labeur-à-soir » pour « laboratoire », « midesaint », etc. – et cela débouche rapidement sur la facilité, ou si le graphème initial est trop tordu, sur de l’inside joke pour quelques really happy fews. C’est amusant un temps et cela a ses limites. Heureusement, Martin – le malin Martin ! – peut, d’autre part, prétendre faire sourire davantage son public avec ses jeux de mots allitératifs dont on retrouve les meilleurs effets dans la troisième séquence de cette plaquette : « Babiroussa barbare à barbiche bichonnée. Imbécile babouin… », là où le style est plus alerte et la repartie des personnages plus vive, là où la fantaisie s’éclate davantage. Là où il aurait pu poursuivre… un roman !
Ce livre, prétexte à une fantasy fantaisiste et assez peu héroïque, vaguement teintée, répétons-le, de science-fiction (la planète P’tite Tête s’est peuplée, vraisemblablement, APRÈS la chute d’un croiseur galactique) est-il vraiment un recueil de nouvelles, comme sa publicité le prétend ? Il s’agirait plutôt de contes, étant donné la multiplicité des personnages, lesquels sont caricaturés jusqu’aux stéréotypes, le milieu allégorique où ils vivent (qui sert de fil directeur) et la leçon morale que le public lecteur peut en tirer en transposant dans son quotidien les références on ne peut plus évidentes de ces… chroniques. [GHC]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 129-130.