À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
La Patrie
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
La Patrie, vol. XIII, n˚ 260
Pagination
1-2
Lieu
Montréal
Date de parution
31 décembre 1891

Résumé/Sommaire

Joe le cook, cuisinier de chantier, raconte aux bûcherons réunis autour de lui comment il a couru la chasse-galerie il y a 40 ans, dans son jeune temps. En compagnie de Baptiste Durant et de ses compagnons, il était monté à bord d’un canot qui s’était envolé aussitôt que le groupe eût invoqué le nom de Satan. Joe se proposait d’aller embrasser sa fiancée à Lavaltrie et de fêter le Jour de l’An. Ce qu’il fit. Mais au retour, les frasques de Baptiste qui avait pris quelques verres de boisson précipitèrent le canot au sol. Le groupe survécut miraculeusement à cette chute.

Commentaires

Le récit de la chasse-galerie est un classique de nos lettres. Jacques Ferron en a d’ailleurs fait une transposition, difficile à décrypter toutefois, dans son roman Le Salut de l’Irlande. Pourtant, on en compte peu de versions comparativement à la figure du loup-garou qui a inspiré plusieurs conteurs.

Tout le monde a entendu parler de ce canot volant qui permet aux bûcherons de venir embrasser leur blonde mais peu de gens pourraient énumérer les codes qui régissent cette légende. Rappelons-les. D’abord, il faut un nombre pair de passagers, huit en l’occurrence ici. Ensuite, le groupe doit s’abstenir de prononcer le nom de Dieu pendant le trajet et éviter d’accrocher un clocher d’église. Enfin, il ne dispose que de six heures pour revenir au chantier. L’omission de se conformer à l’une de ces conditions entraîne les hardis voyageurs en enfer.

Dans le récit de Beaugrand, Baptiste Durant lance quelques jurons qui contreviennent au pacte mais le groupe échappe tout de même à la damnation éternelle. On peut certainement considérer ce conte comme étant subversif puisque sa conclusion échappe à la morale du temps. Certes, le narrateur n’encourage pas ses auditeurs à transgresser les interdits religieux mais sa réussite personnelle atteste qu’on peut parfois défier sans coup férir les interdits. C’est bien tout ce qui fait la valeur du conte de Beaugrand, de même que l’attention respectueuse accordée au conteur à qui l’auteur accorde toute la place. « La Chasse-galerie » est donc un modèle de récit fantastique sur lequel l’incrédulité n’a aucune prise. Oui, un bien beau texte qui fixe les standards de qualité du genre. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 32-33.

Références

  • Hébert-Dolbec, Anne-Frédérique, Le Devoir, 31-12-2022/01-01-2023, Le D Magazine, p. 14-15.