À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un chasseur se rend à Cap-au-diable en fin de soirée. Il est surpris par un violent orage. Alors qu’il se cherche un abri, il est attiré par une étrange lueur. D’horribles diablotins sont réunis autour d’un immense brasier. Il s’agit sans doute de chasseurs ayant été métamorphosés par le malin. La seule façon de les délivrer est de les blesser pour faire couler leur sang. L’homme tire. Tout disparaît. Le chasseur ne retrouve qu’une tuque d’un modèle très en vogue. Il la porte le dimanche suivant pour aller à l’église. Un homme du nom de Pierre vient à lui : il a reconnu son propre bonnet. Il lui confirme alors qu’il a bel et bien été victime d’une sorcellerie, puis il remercie le chasseur de l’avoir délivré. Telle est l’aventure que rapporte un autre chasseur à ses compagnons pour le moins sceptiques…
Commentaires
De toute évidence, Charles-Edmond Rouleau ne se prend aucunement au sérieux dans ce court récit fantastique. Il ne croit en rien aux superstitions qui ont nourri l’imaginaire québécois, et s’amuse à caricaturer les conteurs et leurs histoires. Ainsi, le narrateur principal de « La Chasse » n’en finit plus de préciser ses sources pour être sûr qu’on lui accorde crédit. Ses compagnons ne sont malheureusement pas dupes. Ils diront du chasseur qu’il n’avait qu’un seul défaut : « celui d’être un franc menteur »…
La tension fantastique n’est pas entretenue dans le récit. La description des diablotins (longues queues, grandes cornes, longues fourches, ils lancent des étincelles par la bouche…), l’intervention du chasseur pour délivrer les hommes « amorphosés », et certains détails comme la tuque retrouvée sur les lieux de l’événement, font davantage sourire. L’effet fantastique reste somme toute secondaire. Rouleau veut plutôt montrer le grand plaisir que les chasseurs prenaient autrefois à se raconter des histoires de sorciers et de feux follets. Une nostalgie transparaît d’ailleurs pour cette époque où les chasseurs vivaient dans une belle convivialité. Tous se respectaient, aucune jalousie n’entachait les rapports entre les hommes. Charles-Edmond Rouleau idéalise ces temps passés de la chasse et se montre critique envers ses contemporains. « Comme les temps sont changés ! Aujourd’hui, l’envie salit les plus belles actions. La médisance et la calomnie s’infiltrent dans toutes les classes de la société. »
« La Chasse » est donc un conte fantastique dans lequel l’humour et une nostalgie amère l’emportent sur la crainte et l’inquiétude. Sans la réflexion critique que se permet au passage le narrateur (il laisse alors en suspens le récit de chasse), le texte serait de peu d’intérêt. [RP]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 171-172.